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Ducumentu
Le ventre de Bastia

G.THIERS

Les glacières

Il faut dire que ça tombe bien que les deux parties de la ville s’appellent Terranova et Terravechja. Notre époque a pris l’habitude de tout scinder en deux : les choses, les lieux, les gens, les pensées et les idées. Je ne parle pas seulement des idées ou des choses que les gens achètent ou espèrent acquérir. William dit toujours que c’est valable aussi pour les sentiments, les calculs mathématiques et toutes les manières de s’exprimer ou de penser. C’est comme ça que le nom Terranova a subsisté. Aujourd’hui Terranova est la partie la plus vieille de la ville et Terravechja la plus récente. C’est étrange cette manière d’appeler les endroits mais c’est comme ça. Il y a une explication que connaissent ceux qui ont toujours gardé un contact étroit avec la ville.

Observez-les et vous remarquerez qu’ils ont le regard dépoli. Ce sont des gens qui savent les choses. C’est pour ça qu’ils ne disent rien. Ils entrent, sortent, disent bonjour et s’en vont. Ou bien s’ils s’attardent, ce sont eux qui parlent sans discontinuer, de manière brusque et rapide, et il n’y a pas moyen d’en placer une. Non, c’est fait exprès pour que les autres ne puissent pas réagir car s’ils en ont la possibilité, Dieu garde. Habituellement, une personne de Bastia, qu’elle y soit née ou bien qu’elle y habite, reconnaît parfaitement si quelqu’un est de Terravechja ou de Terranova. Il suffit d’un coup d’œil et son apparence vous apprend tout, même s’il ne parle pas.

(traduction Anne-Laure THIERS)