Maram al Masri

Maram al Masri

AL MASRI Maram

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présentée par FM Durazzo
(extraits de préface)

Maram AL-MASRI est née en 1962 à Lattaquié en Syrie, sur cette rive de la Méditerrannée, située à vingt miles marins à peine de l'île de Chypre. Exilée à Paris depuis 1982, cette jeune syrienne, après un premier livre publié en 1984 à Dainas sous le titre Je te menace d'une colombe blanche, revient à la poésie avec Cerise rouge sur carrelage blanc, édité à Tunis par les éditions de l'Or du Temps, en 1997. Le tout récent prix du Forum culturel libanais en France, qui porte cette année le nom du poète libanais Adonis, est destiné à récompenser toute création littéraire arabe et lui a été attribué en mars 1998.

Sa poésie est le cri étouffé et nu de la femme qui attend tout de l'homme aimé. Cette revendication féminine, bien éloignée de toute préoccupation hédoniste, n'est pas, non plus, une nouvelle voix qui soulèverait la chape de plomb pesant sur son sexe dans certains pays arabes.Il est plutôt question de l'inguérissable blessure d'un être que ne peut apaiser ni la quotidienneté d'un amour, peu à peu vidé de sa substance faute d'avoir comblé le néant que porte en soi le poète, ni le face à face avec soi-même, déserté par la spiritualité et la foi en la vie. Le désespoir poignant de cette voix de femme enfant se réfugie dans l'observation minutieuse des petits signes qui résonnent dans son propre néant : un grattement à la porte, les traces laissées sur la neige par un chat, la respiration de l'homme endormi à son côté, sont autant de realia qui viennent éclairer le titre énigmatique de cette suite poétique. La "cerise rouge" comme des lèvres peintes, ce fmit, cette goutte de sang qui s'offre à la dégustation du lecteur a été abandonnée à la froideur du carrelage blanc. Naziehe ABOU AFFACHE a cru percevoir chez Maram AL-MASRI la veine d'une Emilie DICKINSON. Sans être de ce côté-là de la spiritualité ni lier son écriture à une expérience de la mort de l'Autre aussi tragique, ces poèmes courts, intimistes développent en effet le thème de la solitude, alors que cette dernière prendrait plutôt, chez Emilie DICKINSON, la forme d'une retraite. De plus, il se dégage un vibrato de cette expression d'une angoisse existentielle qui exalte le moi malheureux en exploitant les possibilités du langage avec humilité.

Il s'agit, en outre, pour le poète, de retrouvailles avec une langue dont elle avait délaissé l'usage pendant plus d'une douzaine d'années pour se fondre dans la culture française. Au bout du compte, l'acte d'écriture exige l'authenticité de la langue de l'enfance, la trame discrète d'un lexique quotidien et de ses sédiments coraniques que malheureusement le traducteur n'a pas su rendre ici. La réduction du vécu aux couches du langage les plus usées contribue donc à la fraicheur de l'expression, comme y concourt la brièveté de vers rythmant de manière presque saccadée une confidence chargée d'émotion. Cette écriture consciente et sûre d'elle-même ne recherche jamais l'effet poétique pour lui-même mais la lumière de la métaphore qui apprivoise la douleur de i'expérience en révélant son sens. La force de la poésie de Maram AL-MASRI réside ainsi dans la sobre expression du drame intime servie par la justesse frappante des images : la voisine en visite se fait « mouche laide et noire », la quête de la tendresse protectrice de l'homme qui se refuse prend la forme d'une question angoissée : «Pourquoi ne m'ouvres-tu pas la porte de ta chemise ? » et la douleur douce-amère de l'autour renouvelle, avec hardiesse, une métaphore coranique : «j'ai étreint / ton fût. / De douleur, / je l'ai secoué. / Goût de ta rosée / sur ma blessure (71)» Dans une langue maîtrisée, économe, qui tranche avec le lyrisme arabe de la poésie amoureuse traditionnelle et retrouve, dans le recours fréquent aux phrases nominales, le rythme des versets coraniques, Maram AL-MASSRI parvient à donner de la profondeur à une forme de Bovarysme qui laisse "la voleuse de bonbons" dévoiler avec ingénuité sa misère de femme sans amour.

Maram ci dice unu di so puema

Maram ci dice unu di so puema