Gramatica
Documenti: les classes nominales

Nous pouvons classer les noms en fonction du genre, masculin ou féminin, et du nombre, singulier ou pluriel. La morphologie nominale est également un domaine qui devient le support de la différenciation linguistique. Ainsi retrouverons-nous des caractéristiques propres à chacun des trois régiolectes corses.

 

1. Les noms masculins.

Les noms masculins peuvent se répartir en deux groupes:

- les noms à voyelle finale atone;

- les noms à voyelle finale tonique.

 

1.1. Les noms à voyelle finale atone.

Appartiennent à ce groupe les noms dont l’accent tonique frappe l’avant-dernière syllabe (paroxytons) et les noms dont l’accent tonique frappe l’antépénultième (proparoxytons). La voyelle finale atone peut changer en fonction du régiolecte concerné, au singulier comme au pluriel.

 

A. Régiolecte septentrional.

Dans ce régiolecte, le masculin compte trois classes:

- les noms qui font -u au singulier et -i au pluriel;

- les noms qui font -e au singulier et -i au pluriel;

- les noms qui font -a au singulier et -a au pluriel.

 

sing. -u sing. -e sing. -a
u zitellu
u libru
u lettu
u ghjornu
l’ocellu
l’arburu
u bancu
u zanu
u pranzu
l’ortu
u paese
u nome
u cane
u fiore
u sole
u pane
u ponte
u prete
u latte
u male
u pueta
u papa
u prublema
u sistema
u prugramma
u dramma
u pianeta
u boia
u clima
u tema
plur. -i plur. -i plur. -a
i zitelli
i libri
i letti
i ghjorni
l’ocelli
l’arburi
i banchi
i zani
i pranzi
l’orti
i paesi
i nomi
i cani
i fiori
i soli
i pani
i ponti
i preti
i latti
i mali
i pueta
i papa
i prublema
i sistema
i prugramma
i dramma
i pianeta
i boia
i clima
i tema

 

Signalons que, dans l’usage actuel, la troisième classe tend à rejoindre la première classe. Cela explique des formes comme puetu, prublemu, sistemu, prugrammu, drammu... qui font alors leur pluriel en -i: i pueti, i prublemi, i prugrammi, i sistemi, i drammi... Le mot papa semble bien résister encore, alors que pianeta tend à changer de genre, a pianeta, vraisemblablement sous la pression du français.

 

B. Régiolecte central.

Dans ce régiolecte, le masculin compte trois classes:

- les noms qui font -u au singulier et -i au pluriel;

- les noms qui font -i au singulier et -i au pluriel;

- les noms qui font -a au singulier et -a au pluriel.

 

sing. -u sing. -i sing. -a
u ghjacaru
u nodu
u basgiu
u mazzulu
u stazzu
u topu
u ventu
u cantu
u lumu
u pesciu
u pani
u pastori
u culori
u mobbuli
u duttori
u pedi
u cori
u monti
l’adori
u muradori
u pueta
u papa
u prublema
u sistema
u prugramma
u dramma
u pianeta
u boia
u clima
u tema
plur. -i plur. -i plur. -a
i ghjacari
i nodi
i basgi
i mazzuli
i stazzi
i topi
i venti
i canti
i lumi
i pesci
i pani
i pastori
i culori
i mobbuli
i duttori
i pedi
i cori
i monti
l’adori
i muradori
i pueta
i papa
i prublema
i sistema
i prugramma
i dramma
i pianeta
i boia
i clima
i tema

Nous ferons la même remarque que précédemment à propos de la troisième classe qui semble vouloir rejoindre la première classe.

 

C. Le régiolecte méridional.

Dans ce régiolecte, le masculin compte quatre classes:

- les noms qui font -u au singulier et -i au pluriel;

- les noms qui font -u au singulier et -a au pluriel;

- les noms qui font -i au singulier et -i au pluriel;

- les noms qui font -a au singulier et -a au pluriel.

 

sing. -u / plur. -i

 
u ziteddu
u ghjacaru
u maestru
u ziu
u cataru
u monacu
u tordulu
u zocculu
i ziteddi
i ghjacari
i maestri
i zii
i catari
i monachi
i torduli
i zocculi

 

sing. -u / plur. -a
 
u locu
u focu
u muru
u corpu
u colpu
u batteddu
u marteddu
u capiddu
i loca
i foca
i mura
i corpa
i colpa
i battedda
i martedda
i capidda

 

sing. -i / plur. -i
 
u mudori
u signori
u sangui
u pastori
u fucili
u campanili
u mesi
u paesi
i mudori
i signori
i sangui
i pastori
i fucili
i campanili
i mesi
i paesi

 

sing. -a / plur. -a

 
u pueta
u papa
u prublema
u prugramma
u dramma
u sistema
u pianeta
u boia
u clima
u tema
i pueta
i papa
i prublema
i prugramma
i dramma
i sistema
i pianeta
i boia
i clima
i tema

 

Comme dans les autres régiolectes la classe des noms en -a tend à rejoindre la classe des noms en -u.

Pour ce qui concerne le pluriel en -a, la règle traditionnelle voudrait qu’il fût réservé aux seuls noms masculins en -u qui n’ont pas de féminin en -a, auquel cas le pluriel se ferait en -i.

Sont toutefois exclus du pluriel en -a les noms masculins en -u qui, sans présenter de féminin, ont une forme proparoxytonique, autrement dit les noms dont l’accent tonique frappe l’antépénultième. C’est le cas de cataru, monacu, zocculu, tordulu, que nous avons donnés en exemple plus haut.

On peut avoir des cas pour lesquels le féminin est seulement apparent; ce qui provoque un pluriel en -i pour les deux noms (pourtant différents):

u portu (le port) > i porti

a porta (la porte) > i porti

u coppiu (le couple) > i coppii

a coppia (le joug) > i coppii

u bancu (le banc) > i banchi

a banca (la banque) > i banchi

u coghju (le cuir) > i coghji

a coghja (la couenne) > i coghji

u pilu (le poil) > i pili

a pila (le bassin) > i pili

De nos jours, on peut constater un certain nombre de phénomènes qui remettent en cause les règles traditionnelles.

Nous avons vu comment la classe des noms en -a tend à s’aligner sur la classe des noms en -u. C’est un phénomène assez courant que l’on nomme métaplasme.

Il se trouve que la classe des noms en -e pour le nord et -i pour le sud semble sujette au même phénomène.

En effet, il n’est pas exceptionnel d’entendre aujourd’hui des formes comme u paesu, u fiumu, u nomu, u fioru, u duttoru etc... qui sont le témoignage d’un réaménagement des classes nominales. Il apparaît cependant que ce phénomène touche prioritairement le Pumonti.

Un autre changement important concerne le pluriel en -a, propre au régiolecte méridional. On constate en effet que ce pluriel particulier tend à se propager et à investir le régiolecte central, notamment le Taravu (le régiolecte septentrional n’est aucunement concerné). Cependant, cette diffusion du pluriel en -a s’effectue avec des évolutions particulières dans la mesure où celui-ci s’applique pratiquement à tous les noms en -u ainsi qu’à la plupart des noms en -i.

La conséquence majeure de ce type d’évolution se perçoit dans la généralisation du pluriel en -a qui va jusqu’à s’étendre à des noms féminins qui traditionnellement n’étaient pas concernés par ce pluriel. Dès lors il n’est plus rare d’entendre des formes comme: i peda, i fiuma, i paesa, i fiora, i ponta, i noma etc... que le système traditionnel ne connaissait pas.

On peut penser que la généralisation du pluriel en -a, dans une grande partie du Pumonti, est associée au caractère identitaire de ce pluriel que les variétés linguistiques du sud exploitent «au maximum» pour se distancier des variétés septentrionales.

Nous puvons signaler également que les choix relatifs aux classes nominales ne sont pas nécessairement les mêmes dans les trois régiolectes. Par exemple, on trouvera des noms en -u au nord (un ochju, un arburu) quand on aura les mêmes noms en -i dans le sud (un ochji, un arburi).

 

1.2. Les noms à voyelle finale tonique.

On trouve les mêmes classes du nord au sud. Tous les noms à voyelle finale tonique, dont la plupart sont issus d’emprunts aux langues étrangères ou représentent d’anciennes formes latines tronquées, sont invariables.

* finale -à: u soffà, u pascià, u sgiasgià, u sinemà.

* finale -è: u caffè, u rè, u sciaminè, u piacè, u sapè, u canapè.

* finale -ì: u schì, u zinzì, u tassì.

* finale -ò: l’aviò, u camiò, u chilò, u prò, u sgiò.

* finale -ù: u caucciù, u bambù, u tabbù.

 

2. Les noms féminins.

Comme pour les noms masculins nous pouvons distinguer les noms à voyelle finale atone des noms à voyelle finale tonique.

 

2.1. Les noms à voyelle finale atone.

A. Régiolecte septentrional.

Dans ce régiolecte, le féminin compte trois classes:

- les noms qui font -a au singulier et -e au pluriel;

- les noms qui font -e au singulier et -i/-e au pluriel;

- les noms qui font -i au singulier et -i/-e au pluriel.

 

sing. -a sing. -e sing. -i
a casa
a donna
a strada
a vacca
a pecura
a croce
a chjave
a corte
a noce
a notte
a crisi
l’annalisi
a sintesi
plur. -e plur. -i / e plur. -i / e
e case
e donne
e strade
e vacche
e pecure
e croci, e croce
e chjavi, e chjave
e corti, e corte
e noci, e noce
e notti, e notte
e crisi, e crise
l’annalisi / e
e sintesi, e sintese

 

La troisième classe se résume à des cas rares que certaines variétés ont fini par supprimer en l’alignant sur la première classe: a crisa, l’annalisa, a sintesa (avec déplacement de l’accent tonique sur la pénultième pour les deux dernières formes).

On peut également signaler, pour le régiolecte septentrional uniquement, une forme exceptionnelle de féminin en -u avec a manu (la main). C’est une forme que certaines variétés abandonnent (Bastia, Cap) pour l’aligner sur la première classe: a mana / e mane (la main/les mains).

Ce féminin exceptionnel en -u s’explique par l’étymologie (MANUS), mais aussi par le besoin de distinguer les formes du pluriel:

a manu (la main) > e mani (les mains)

a mane (le matin) > e mane (les matins)

Dans les variétés où les formes du pluriel sont identiques, c’est le contexte qui explicite le sens.

À noter la forme invariable de la région de Vicu: a manu > e manu.

 

B. Régiolecte central.

Dans ce régiolecte, le féminin compte deux classes:

- les noms qui font -a au singulier et -i au pluriel;

- les noms qui font - i au singulier et -i au pluriel.

 

sing. -a / plur. -i

 
a pignatta
a spazzola
a femmina
a canzona
l’arba
i pignatti
i spazzoli
i femmini
i canzoni
l’arbi

 

sing. -i / plur. -i

 
a notti
a boci
a croci
a noci
a foci
i notti
i boci
i croci
i noci
i foci

 

 

C. Régiolecte méridional.

Dans ce régiolecte, le féminin compte deux classes:

- les noms qui font -a au singulier et -i au pluriel;

- les noms qui font -i au singulier et -i au pluriel.

 

sing. -a / plur. -i a stadda
a ghjumenta
a padedda
a vittura
a stantara
i staddi
i ghjumenti
i padeddi
i vitturi
i stantari

 

sing. -i / plur. -i a mudderi
a turri
a cruci
a noci
a peddi
i mudderi
i turri
i cruci
i noci
i peddi

 

2.2. Les noms à voyelle finale tonique.

Au féminin, les classes à voyelle finale tonique sont moins nombreuses qu’au masculin. Nous pouvons en déterminer trois:

* finale -à: a qualità, a cità, l’università, a libbartà, a civiltà, a sucetà, a publicità, a scularità, a prupietà, a capacità, a rialità, a virità, a metà...

* finale -ù: a virtù, a ghjuventù, a schiavitù, a servitù, a tribbù.

* finale ò: a televisò, a lizziò.

La classe en est représentée par des formes tronquées que l’on peut toujours reconstituer dans leur version complète: televisione/i, lizzione/i.

(G.M. COMITI, «A pratica è a grammatica», Squadra di u Finusellu – CCU, 1996).