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Ducumentu
Lingua / Arte - Arte di a scena - Visuali : Cipri è Maresco

Ciprì et Maresco : deux trublions du cinéma et de la télévision

Daniele Ciprì et Franco Maresco ont commencé en 1986. Ils ont produit une série qui bouleversera la télévision italienne : "Cinico TV". Après divers courts-métrages, des films sur le jazz, de nombreux prix et plusieurs rétrospectives qui leur sont consacrées, Ciprì et Maresco dirigent leur premier long-métrage, « Lo zio di Brooklyn » en 1995. En 1998, ils réalisent « Totò che visse due volte ». En janvier 2002, un spectacle théâtral, « Palermo può attendere ». Actuellement ils tournent un long-métrage sur le Comte de Cagliostro.

Nous avons débuté tout doucement. Pendant un an et demi nous avons fait des petits montages, des petits travaux en vidéo et les pre­miers courts-métrages, avec ceux qui plus tard deviendront les acteurs de base de "Cinico TV". 1990 est une année décisive, celle de l'affirmation sur le plan national, nous avons participé au festival du cinéma indépendant italien de Bellaria. Là, nous avons gagné le concours. Cette année-là le thème c'était "Dieu" notre court-métrage s’intitulait Illuminati. Après quoi sont arrivées les offres de la RAI, en 1991, et en 1992 RAI 3 nous a proposé de faire une émission toute à nous. Voilà nos débuts : d'un côté la télévision, qui nous a servi à nous auto-financer, de l'autre, les courts-métrages, présentés dans les divers festivals ou à la télévision au fil des ans. Ce n'est qu'en 1995 que nous sommes arrivés au cinéma proprement dit, avec Lo zio di Brooklyn.

Notre rencontre avec Daniele a été favorisée par le fait que nous ne venions d'aucune école. Nous étions des autodidactes. Ce que nous avons apporté de nouveau, de révolutionnaire à la télévision, c'est cette manière de tout ralentir, de tout bloquer, de tout arrêter. "Cinico TV" est un trou à l'intérieur de la télévision. Nous avons arrêté le rythme, pour la première fois à la télévision. Il y a quatre minutes, par exemple, de plans fixes ou de silence, à huit heures moins le quart ! "Cinico TV" présente un Sud inédit. C’est un Sud qui casse les couilles, qui est féroce, bref il est vrai, authentique, de pets, de gens malades et de bossus. Et nous, voilà : nous le posons là, cinq minutes chaque jour. L'emploi exclusif du noir et blanc est dû à notre commune passion pour le cinéma classique, amé­ricain en particulier.

Palerme racontait un passé qui partout, sur les murs, dans les rues, était en train de s'effacer et de disparaître. Les nouvelles constructions créaient une ville esthétiquement horrible, dégueulasse. Notre univers est fermé, exclusivement masculin. Nous joueons en fait avec notre culture, locale, sicilienne. Je crois que l'esprit mafieux est à l'intérieur même de tous les Sici­liens. À la fin des années quatre-vingt, L.Orlando (maire de Palerme) a donné une place à la culture comme jamais on ne l'avait fait avant lui, on a récupéré des lieux en ville, et on les a donnés aux Palermitains. Cependant, il y avait alors à Palerme quelques sceptiques, parmi lesquels Ciprì et Maresco. Tu fais la révolu­tion, tu arrives au pouvoir et tu deviens pire que celui qu'il y avait avant, c'est la nature humaine. Et comme ici nous sommes sous-humains, c'est encore pire qu'ailleurs. La terre qui a offert le plus grand appui à Berlus­coni lors des dernières élections est la Sicile. Je suis convaincu que cette ville a la mafia dans son ADN ! Tomasi di Lampedusa — tout comme Sciascia, du reste — pensait qu'on ne pouvait pas sauver la Sicile, et c'est la vérité ! Ça fait longtemps que nous ne tra­vaillons pas à Palerme, que nous ne demandons pas de financements. Nous avons fait un spectacle, Palermo può attendere, qui a besoin de rentrer dans ses capitaux, et pourtant nous ne le faisons pas à Palerme parce que ce serait une contradiction dans les termes. Je ne peux pas demander de l'ar­gent à ceux que je critique et dénonce durement. Mon choix est un choix moral, et tant pis s'il conduit à la solitude.

(Propos de Francesco Maresco)