Versione :

Ducumentu
Mariana : Site historique majeur de Corse

Mariana, cité romaine, paléochrétienne et médiévale, se situe à environ vingt kilomètres au sud de la ville de Bastia, sur la commune actuelle de Lucciana. La ville, encore enfouie presque en totalité, se trouve en rive gauche du Golu et non loin de l’étang de Biguglia, encore appelé Chiurlinu. La cité romaine, portant sans doute le nom de son fondateur, a été fondée par le consul et général romain Caius Marius vers 100 avant J.-C.

L’environnement de Mariana présente des avantages naturels appréciables propres à assurer la prospérité d’une cité. Une vaste plaine fertile exploitable, la proximité des forêts et des étangs, la présence d’un fleuve côtier pérenne, le Golu, dont l’estuaire, largement évasé, facilitait l’accostage des navires marchands et autorisait l’implantation de ports de premières importances, entretenant d’étroites relations commerciales avec les ports italiques d’Ostie et de Luni, ont été autant d’atouts qui ont décidé du lieu de fondation de Mariana. Mais c’est surtout sa position géostratégique qui paraît avoir été l’élément déterminant dans le choix de l’établissement de la colonie.

Au niveau méditerranéen, posséder une cité portuaire importante dans le nord de la Corse permet de mieux s’assurer la maîtrise des voies maritimes en mer Tyrrhénienne. A partir de 6 après J.-C., Mariana devient d’ailleurs, avec Aleria, l’une des deux bases de la flotte de Misène en Corse. Sur le plan insulaire, la création d’une seconde colonie facilite le contrôle et la gestion des cités du nord de l’île et accélère la romanisation des territoires les plus éloignés d’Aleria.

Archéologiquement, à part quelques monnaies attribuables à l’époque républicaine, les vestiges d’aménagements urbains contemporains de la fondation de Mariana restent à découvrir. Cependant, les premiers colons étant des vétérans des légions, il est possible que l’état primitif de la ville soit longtemps demeuré celui d’un camp militaire romain édifié en bois. Pour ces hautes époques, seuls les textes des auteurs anciens comme Pomponius Mela, Pline l’Ancien, ou encore Sénèque et Solin attestent de l’existence de la colonie.

Ce n’est qu’aux Ier et IIe siècles de notre ère que des constructions en briques sont érigées à Mariana tout en conservant la trame des occupations antérieures et notamment le système viaire orthonormé composé du Decumanus Maximus (voie est-ouest) et du Cardo Maximus (voie nord-sud). C’est également au IIe siècle que la cité perd, selon le géographe Ptolémée, son statut de colonie. Elle est désormais considérée comme une ville : une polis.

Mariana semble atteindre son apogée au cours du IVe siècle. Les découvertes archéologiques indiquent une circulation monétaire intense, phénomène sans doute synonyme d’une grande prospérité. Cette période est également marquée par le développement du christianisme. Le premier état de l’ensemble paléochrétien de la cité pourrait être daté de la fin du IVe ou du début du Ve siècle. Par la suite l’agglomération abrite l’un des sièges épiscopaux de l’île. Mariana est alors la cité insulaire de l’Antiquité tardive, prépondérance qu’elle conserve au fil du Haut Moyen Age.

Ainsi, longtemps apparue comme secondaire par rapport à Aleria, capitale de la Corse romaine, Mariana semble avoir mieux vécu que sa voisine la fin de l’Empire. Elle paraît même remplacer Aleria après la destruction de celle-ci aux alentours de 420. Cette position dominante est confirmée par les textes des géographes anciens (Table de Peutinger et Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne).

Cependant Mariana n’est pas à l’abri des invasions et des destructions. Les Vandales, les Goths sans doute, les Byzantins, les Lombards, les comtes carolingiens et les Sarrasins paraissent s’y succéder entre la seconde moitié du Ve et le Xe siècle. Au cours du XIe siècle, les flottes italiennes écartent définitivement la menace sarrasine de la mer Tyrrhénienne.

Les Pisans s’imposent officiellement en Corse à partir de 1077 et l’Eglise pisane réorganise les structures ecclésiastiques insulaires. Au début du XIIe siècle, la cathédrale romane de Mariana est érigée à proximité des ruines de la basilique paléochrétienne. Mais la construction du palais épiscopal ne suffit pas à ressusciter une ville peu à peu anéantie par des siècles d’insécurité et située dans une zone désormais insalubre.

Le site est définitivement abandonné à la fin du XIIIe siècle quand l’évêque décide de faire transférer sa résidence dans le village de Vescovato, puis à Bastia en l’église Sainte Marie à partir du XVIe siècle. L’endroit ne possède plus alors qu’une valeur symbolique notamment aux yeux des seigneurs philoaragonais du Delà des Monts (Corse du Sud) qui viennent s’y faire élire comtes de Corse au cours du Bas Moyen Age. Toutefois, jusqu’au XVIIIe siècle, les évêques de Mariana conservent la coutume de venir prendre possession de leur siège sur les lieux même de l’antique cité.

Aujourd’hui, les visiteurs peuvent encore admirer deux églises romanes qui se trouvent le long de la route départementale 107 à proximité de l’aéroport de Bastia-Poretta.

Tout d’abord, la cathédrale médiévale dédiée à Santa Maria Assunta mieux connue localement sous le nom de la « Canonica ». Elle fut consacrée en 1119 par l’archevêque de Pise. Cette cathédrale de style roman pisan, à l’architecture simple et harmonieuse et aux proportions parfaites, mesure 35 mètres de long. Divisée en trois nefs par deux files de sept piliers carrés, elle se termine à l’est par une abside semi-circulaire couverte d’une voûte en cul-de-four. De nos jours, la cathédrale ne sert au culte qu’une fois par an, le lundi de Pentecôte.

A 500 mètres au sud-ouest de la Canonica se situe l’église cimétériale de San Parteo. Il s’agit d’une église romane datée du milieu du XIe-début XIIe siècle, à nef unique avec une élégante petite abside. L’édifice a été élevé hors des limites de la ville romaine sur les ruines d’un monument paléochrétien précédent.

A côté des monuments pisans, les vestiges antiques, témoins de la splendeur et de la richesse de la ville disparue, ont été découverts par Geneviève Moracchini-Mazel dans les années soixante. Les fouilles ont notamment permis de mettre au jour les vestiges d’une basilique et d’un baptistère paléochrétiens datés de la fin du IVe-début Ve siècle de notre ère.

La basilique paléochrétienne possédait trois nefs séparées par deux files de huit colonnes de granit, à bases et chapiteaux en marbre et précédé à l’ouest par un vestibule. Le chœur de la basilique présente un décor en mosaïques composé essentiellement de motifs géométriques à l’exception de trois scènes illustrées occupant la partie orientale d’un podium situé en avant de l’abside semi-circulaire et destiné à porter l’autel. 

Le baptistère paléochrétien se situe au sud-est de l’abside. Il était de plan cruciforme, avec une piscine centrale, recouvert probablement d’une petite coupole portant sur des architraves et des colonnettes sculptées dans le marbre. Le pavement mosaïqué, composé de motifs empruntés au répertoire traditionnel de l’Antiquité, renvoie, pour l’essentiel, au monde des eaux.

Evoquer le site de Mariana revient donc à s’intéresser à plus de quinze siècles de l’histoire de la Corse. En attendant l’éventuelle création d’un musée de site et d’un centre de recherche à Mariana, la documentation issue des fouilles anciennes est progressivement mise en ligne sur Internet par les jeunes chercheurs insulaires membres du CERPAM de Mariana (Centre d’Etudes romaine paléochrétienne et d’archéologie médiévale) qui travaillent en étroite collaboration avec l’Université de Corse, la FAGEC (Fédération d’Associations et Groupements pour les Etudes Corses) et l’Association CURTIS (Association regroupant les étudiants chercheurs de l’Université de Corse issus de la filière Histoire).

(Le site Internet : http://cerpam.multimania.com/)