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Ducumentu
Literatura siciliana - Calaciura - Malacarne

Giosué Calaciura est né à Palerme en 1960. Il est journaliste à Rome. Ses premiers récits sont sortis dans des revues :Il Sole 24 Ore, Lo Straniero, Nuovi Argomenti… et anthologies comme Luna nuova, è Sud : Racconti dalla frontière, presentata Giovanna de Angelis (Einaudi, 2000).

Malacarne paru en1998 a été traduit et publié en France en 2007

 

Malacarne , premier roman de Giosué Calaciura se présente comme un long monologue d’un petit mafieux qui décrit devant un juge son parcours au sein de Cosa Nostra. Mais il convient de dépasser cette histoire car il ne s’agit pas seulement de la confession d’un repenti. La langue employée n’a rien du réalisme que l’on pourrait attendre d’un individu issu d’un quartier miséreux et défavorisé. Le livre n’appartient pas à la catégorie des récits journalistiques. Il s’agit davantage d’une biographie pour ainsi dire “archétypale” qui mêle étroitement des éléments dun comique grotesque et traits où pointent la fatalité, le tragique de la vie et de la mort. L’existence est donnée comme un piège qui peut saisir toute personne qui passe à sa portée, ou qui ira s’en saisir par le meurtre, l’assassinat bien préparé, les larcins, les trafics –la drogue en particulier, qui est d’un bon rapport-, la vendetta jusqu’à l’extermination, les guerres de territoire, les enlèvements, le racket aussi. Le coupable n’en finit pas de dérouler naïvement la liste de ses méfaits, happé dans le tourbillon de crimes où son visage change sans cesse. Le voici gamin chapardeur et malfaisant, pauvre diable esclave et bourreau, chef de bande ou exécutant ; à la fin des fins, quelle que soit l’issue, c’est la guillotine qui l’attend! Ce tournoiement instaure le vertige. Calaciura lui donne une expression d’un baroque recherché. Son écriture très personnelle y trouve une élégance stylistique qui accentue la distance entre la vulgarité du sujet décrit et l’attrait de son expression. Les évocations poétiques et les événements horribles se mêlent dans un torrent discursif qui emporte tout sur son passage, dans un magma fait de désespoir et de comique sombre et grotesque, un déchaînement continu qui touche par moments au surréalisme. L’American Psycho di Bret Easton Ellis nous a montré comment produire, à partir d’un délire une publication au succès mondial. Tel n’est pas le cas de Malacarne. Malacarne n’est pas un psychotique qui donne libre cours à sa folie, mais un jeune homme déboussolé, sous l’emprise de pouvoirs occultes dont il est esclave dans la société où il vit. Un épouvantail et un guignol, condamné à faire le mal et à faire rire de lui. Un rire pourtant qui fait froid dans le dos. Derrière ce coupable innocent l’auteur fait lever l’ombre d’une société livrée à la mafia bien sûr, mais tout comme n’importe quel groupe humain où sont reliés le pouvoir officiel et des puissances occultes.