Camionabile 451

Camionabile 451

Camionabile 451

Dès l’abord le titre nous dit que l’œuvre ne peut laisser ni indemne ni indifférent. Il faut dire que la vaste personnalité culturelle d’Alberto Pozzolini s’y est tapie, ramassée, prête à se donner libre cours contre les conformismes de l’univers que l’on appelle « littérature », mais aussi à rêver et à rouvrir avec tendresse des livres qui édifient nos bibliothèques et pour tout dire nos vies. Celle en tout cas de l’auteur, passionné de littérature et de théâtre, chargé de communication du Piccolo Teatro, ami de Paolo Grassi, de Giorgio Strehler et des grands de la scène européenne. Pozzolini travaille alors aussi comme attaché de presse de la firme Pirelli et comme rédacteur des éditions Rizzoli à l’époque où Milan est déjà une grande capitale industrielle, mais où la créativité artistique n’a pas encore cédé au succès économique et à l’empire de l’argent. Rentré à San Miniato dans sa Toscane natale après 1969, il commence une nouvelle carrière tous azimuts. Il est simultanément publiciste, journaliste, enseignant, animateur d’ateliers d’écriture poétique, grand lecteur, directeur de la revue politico-littéraire Il Grande vetro, chroniqueur littéraire et sportif. Il faut l’entendre émailler de citations et de références littéraires les plus variées ses commentaires de football à la radio ! Et Pozzolini ne cesse d’écrire. Avec fougue, intelligence et passion. Lorsqu’il donne Camionabile, il nous conquiert jusqu'à nous inspirer le rêve fou de représenter sur scène des objets et des notions irreprésentables : dans un décor désolé, une autoroute où le vent traîne des paquets d’herbes desséchées ; un énorme camion noir, et un trajet entrecoupé de haltes littéraires qui prennent on ne sait pourquoi l’allure de stations sur un chemin de croix.
Au volant, un homme d’âge mûr. Près de lui, un jeune auto-stoppeur. Ils bavardent. Ils s’entre-baptisent : ils seront Walter et Bruno et se découvriront l’un à l’autre à la faveur d’une conversation à bâtons rompus. Un personnage sur le bord de la route. Le camion s’arrête. Walter descend, passe à l’arrière, prend un paquet et découvre alors l’identité des destinataires : les soeurs Brontë, Lewis Carrol, Céline, Joyce, Karl Kraus, Marcel Proust, Wittgenstein, Virginia Woolf. Esquisses, silhouettes, pastiches caustiques et attendris. Puis on reprend la route et le dialogue : voici le conducteur et son passager prêts à s’adopter mutuellement . C’est alors que survient Maria, l’amour, ce qui rompt l’amitié, qui s’interpose, fait naître le désir et la haine et permet à la vie de se continuer... Ah si on avait su, aurait-on lu tous ces livres ?...

Le projet de traduction en catalan est né dans le cadre d’IMEDOC1 à la faveur d’échanges opérés entre les universités de Corse, de Pise et des Baléares, et d’autres centres soucieux de la circulation des oeuvres, des idées et des productions culturelles en Méditerranée. Puisse Camionabile 451 inaugurer une relation régulière et féconde entre les espaces et les peuples qui se sentent voisins.

1 : C’est le nom d’un projet de coopération entre les Iles de la Méditerranée Occidentale (Baléares-Corse-Sardaigne)