Telecorsica (Carte pustale)

(Cartoline)

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Tele Bonaria (Cartoline)
de Antoni Arca (Alghero)
 Adaptation réalisée par Ghjacumu Thiers (CCU, Corti)
 
 
Personnages
 
Un poste  tv qui émet en continu des offres de ventes en promotion
Un fauteuil devant la TV: on aperçoit la nuque d’un homme assis
Misgiu un chat
Un presentateur de ventes en promotion
Un répondeur téléphonique
Un livreur 
Un facteur
Un Viellard 
Deux moines
Un etudiant
Un voleur
 
 
 
0.
La scèna représente une salle de séjour (intérieur petit bourgeois). Au mur, dans des encadrements sans originalité des reproductions de peintures de maître, en dimensions non réelles (ex.: une Joconde en format poster ou un Guernica 50 x 70). Mobilier des années 1970. Le centre de l’espace scénique est occupé par un téléviseur 27 pouces continuellement allumé: devant un fauteuil et un homme assis. 
 
1.
On ne voit que la nuque de l’homme assis devant la TV et qui parle à son chat. 
A la télé passent les images d’une vente à distance promotionnelle.
 
Présentateur: Signori, la proposta odierna è quanto di più bello e prezioso mai vi sia stato offerto. Consentitemi — che potesse cadermi una mano in questo istante se non dico la verità —, questi orecchini del Nilo in oro puro ventiquattro carati garantiti dalla gioielleria La Dea Kalì, sono appartenuti alla sorella di Cleopatra in persona. 
No, no, no. No, no, no. Non prendetemi per matto, ma ciò che vi dico è vero. Cleopatra aveva una sorella minore, alta, bella e bionda come lei, con un naso meno pronunciato, però. E questi, signori miei cari, signori miei belli, sono i suoi orecchini e i suoi anelli. Certificati dalla gioielleria La Dea Kalì e dal museo faraonico di Londra. Certamente! 
Questa, teleascoltatori, e perché no, teleascoltatrici, è la firma del professor Laster, Bartholomiu Ronald Percival Laster che certifica come questi gioielli siano stati da lui rinvenuti all'interno del sarcofago della sorella di Cleopatra. Terza piramide vicino al Nilo a destra di Ramsete quarto.
 
Voix de l’Homme ( bien que l’on comprenne, au ton de sa voix, qu’il ne s’intéresse pas à l’émission il ne parle que durant les pauses du discours du Présentateur): Tu as faim, pas vrai? Mon petit minou minou. Allez va, on va manger dans un moment.
Un bon morceau de foie avec des petits oignons, ça te va, dis?
Ah non?! Ben voyons, à tè ti piacenu di più i topi belli tondi è belli grassi chè?!
 
On ne voit plus d’images sur le téléviseur: un boudonnement continu emplit la pièce; la télécommande tombe des mains de l’Homme... 
 
Noir.
2.
Misgiu.
Même scène. Différences: une lumière plus sourde; la TV est muette, avec des images de sang, d’accidents, de carnage. On entend miauler le chat Misgiu...
     C’est un chat-comédien des plus normaux, qui se frotte contre le fauteuil. Il a faim...
   Il finit par saisir la télécommande entre ses dents.  Les programmes TV reprennent tout d’un coup.
 
 3.
Misgiu et le Livreur.
Entre le Livreur qui pousse un chariot plein de victuailles. Arrivé devant la porte d’entrée (imaginaire), il appuie sur la sonnette (imaginaire). Misgiu  laisse tomber la télécommande, la TV se cale sur un programme de variétés.
Livreur (léger accent marseillais): Ding Dong. Ding Dong. Alors, tu te bouges ou quoi? Tu vois pas comme je suis pressé?! aiò. Aiò! Je vais sonner longtemps à cette cloche qui fait un bruit chì mi ai capitu: on dirait la cloche quand y a un mort quand y a! Mon Dieu! Où tu l’as pêché cette sonnette-là! Ils en vendaient pas, des normales, non? Des qu’on fait pas attention! des sonnettes qui sonnent et basta! Non, lui, l’astutu, ne hà messu una chì pare tuttu u murtoriu in paese, pare... Ding, dong. Oimè, chì spaventu, issa campana. Allez, tu ouvres ou quoi? Hè longa, o maè? Hè longa?! Allez, magne-toi un peu le cul autrement le patron y va me dire encore que je glande et chì sò un curcione que j’ai pas envie de travailler et que je m’en fous pas mal de l’intérêt de la boutique!
Alors que moi, ça m’intéresse, l’intérêt de la boutique! Si le patron y ferme, moi, qu’est-ce que je fais? Où je vais moi, où je vais taper de tête? È quale mi hà da vulè à mè, avec mes trente ans, j’ai même pas pris le CAP, ùn aghju, les dents d’en bas ùn aghju mancu unu chì sò tutti guasti ùn aghju, a mamma hè vechja et elle est malade, è u bapu, mancu à parlà ne chì ùn si sà induv’ellu hè? Papa, o bà! Avis de recherche?! Và bè?!
Oimè, o mamma mia, cum’ell’hè dura a vita! Ma oh, moi, je me la prends pianu pianu sans souci, je me la prends. J’ai pas le CAP, mais autant qu’à l’Université de Corté, je veux croire! ne sò quant’è un studiante di l’Università di Corti ne sò, è forse ancu di più s’ellu si parla di a vita, s’ellu si parla. Attends! C’était comment déjà, l’histoire?.. Ah oui! C’est un qui faisait une traversée... Era unu chì traversava un fiume nantu à un battellu, infine un battellu, plutôt cosu, una spezia di radeau, un bac je veux dire, tu vois? Và bè? U passageru era in ticchetta, mi ai capitu! Astiqué, vedi, a valisgetta, l’attaché-case, invece u pilotu, disgraziati! Tuttu malandatu, stracciatu, a camisgia di fora, un uvrieru, unu... cum’è mè alò! È quellu li face: “Tu sais quelle est la distance de la Terre à la Lune?” “Bèèè?! cosa ci pò esse? Qu’est-ce que j’en sais, moi? cume da quì à a Scina, ci sarà, o allora à u Giappone, ùn a sò po eiu?!” “Ma allora ùn sai nunda, o caprò! Moi oui que j’en sais des choses, pourquoi je suis licencié en mathématiques.” Aspetta un pocu è po ricumencia. “Et le chose le plus qu’il est profond dans l’Océan, dis un peu combien il a de kilomètres, d’après toi?" “Bèèèè chì ne sò eo, dece o ondeci chilometri?" “Eh, dece chilometri, ma ùn sai propiu nunda, tù, tandis que moi, tu vois j’en sais des choses; bouh toutes les choses que je sais moi,  pourquoi, moi, je suis licencié ancu in en sciences politiques”. È po più andava è più criscianu e licenze: oh ma ci vulia à sente: licencié en médecine, licencié en langues orientales, licencié en physique-psycho-nucléaire è po tuttu un saccu di cose chì ùn mi le rammentu mancu più. À un certu puntu, quandu eranu in pienu mezu di u fiume, quellu chì cunducia u battellu li face: “Ma tù, sai nutà? Nager, tu sais nager?” È quellu li dice: “Oh! Qu’est-ce que tu crois? Avec toutes ces études, cù tutte isse licenze, credi ch’o pudia truvà u tempu, comment tu veux que je pouvais apprendre à nager?” “Et alors, à nager, va que je t’apprends moi!” Li hà dettu cusì è po l’hà pigliatu cusì pè a tromba di u culu è po u si hà lampatu in mare”. À vedeci au revoir...
Ding Dong, Ding Dong. Aiò! Tu ouvres ou quoi?! Ma hè longa c’est pour aujourd’hui ou pour demain?! (regardant à travers la fenêtre (imaginaire) et s’adressant au chat) Ascò, mi ne infuttu eiu, j’en ai rien à foutre! Ùn ci aghju tempu à perde s’è ellu vole guardà e donne spugliate nude à a televisione, ch’ellu e si spechji. Moi, je lui laisse tout le manger ici, je lui laisse. E so pruviste pè quindeci ghjorni avà l’hà, u gattu mi hà vistu, allora… (il vide le contenu du chariot) Eccu quì tuttu qu’est-ce qu’il faut: e scatulette, carne, piselli, fasgioli, tonnu. A frutta, tuttu in scatula. Pane, in scatula ancu què, acqua, latte. Papier cul, carta igienica. Ci hè tuttu, ci hè. A prussima volta ch’e tornu à nasce, va que je prends ma licence en philosophie même moi, è cusì mi passu tutta a ghjurnata à pusà è à guardà e donne nude à a televisiò. Eh, quessa sì chì ghjè una bella vita (il sort)
 
4.
Misgiu.
Misgiu abandonne sa position et lentement va fouiller dans les sachets de provisions. Petit à petit il s’excite et éparpille le contenu...

5.

Voix off.
Le téléphone sonne. Au sixième coup se déclenche le répondeur téléphonique.
 
Voix de l’Homme (Filtrée à travers la bande du répondeur téléphonique): Vous êtes en relation avec le 0495270109. Je regrette que vous ayez appelé en ce moment précis. Essayez plus tard mais ne laissez pas de message... Je n’écoute jamais les messages!
Voix de la Femme (Filtrée à travers la bande du répondeur téléphonique): Toujours aussi sympathique, je vois!.. (Pause) Excuse-moi, je ne voulais pas t’agresser; d’ailleurs je sais que je ne devrais même pas t’appeler. (Pause) Mais quand même, il y a deux mois que tu n’as pas donné signe de vie! (Pause plus longue) Bon, pour le moment, le chèque de la pension alimentaire du mois n’est pas d’une urgence folle. (Pause. Devenant agressive) Ça suffit maintenant! Je te donne encore huit jours, et c’est l’avocat qui t’écrira! Dans quelques mois, je ne serai plus ta femme, mets-toi ça en tête!
6.
Misgiu et le facteur.
La lumière revient. La scèna est la même, avec des boites et des paquets qui jonchent le sol. Misgiu lèche du lait qui s’écoule d’un paquet éventré, puis va prendre la télécommande entre ses dents. Succession de programmes en zapping, puis la télécommande tombe et l’écran TV s’obscurcit.. Le Facteur arrive lui aussi à la porte (imaginaire) et appuie sur la sonnette (imaginaire).  
 
Facteur: Ding Dong. Pour une belle cloche, c’est une belle cloche. Une cloche de maison bourgeoise. Vraiment vraiment! Et puis, on voit bien que c’est la maison d’une personne comme il faut. Tiens! Regardez un peu tout ce qu’il reçoit. (Il tire de son sac chacun des objets qu’il nomme) Un magazine de cinéma, un hebdomadaire politique et culture, une revue de droit public, un journal de didactique tous les quinze jours. Et l’expéditeur? Vous avez vu l’expéditeur?!: Université de La Sorbonne, Collège de France, Université du Massachussetts, La Sapienza à Rome. Il y a pas à dire; quand le monsieur est là, il y est; et ça se voit. (Il sonne une autre fois) Ding Dong. Elles ont vraiment la classe, ces cloches-là. Mais pourquoi il ne vient pas ouvrir?  (Mime une révérence) Monsieur Le Professeur, voici votre courrier, mes compliments et mes hommages à Madame votre femme. 
Non, à Madame non, parce que je crois bien qu’ils sont séparés. Et d’ailleurs mes compliments pour quoi? Pour le courrier qu’il reçoit? Il va peut-être se fâcher. D’accord, pas de compliments! Je lui tends ses lettres et je salue avec un petit sourire entendu. S’il vient ouvrir... Allez, je sonne encore une fois. Ding Dong. (Personne n’ouvre; il va voir à travers la fenêtre (imaginaire).  C’est bizarre qu’il ne vienne pas ouvrir. Vous avez-vu la pagaille qu’il y a? Et le chat! Mais regardez-le, ce chat: on dirait que c’est lui, le propriétaire. (A Misgiu) Va appeler le professeur. Allez! Va l’appeler, dis-lui que c’est le monsieur de La Poste! Allez ouste! 
Mais, ça va pas! Je deviens fou, je parle avec le chat, maintenant. (Il laisse tomber négligemment les enveloppes dans la boite (imaginaire).  Mais qu’est-ce que ça peut me faire s’il vient pas ouvrir! Université de La Sorbonne, rien à cirer! Collège de France, rien à foutre! La Sapienza Rome, on s’en tape. Magazine arts-cinéma. Hebdo politico-culturel. La barbe, je mets tout au panier! C’est peut-être un intello, le type, mais quel foutoir sa maison, quel foutoir! (Il sort)
 
7.
Misgiu, Présentateur et voix off.
Misgiu saute sur le courrier avec lequel il joue, et le réduit en lambeaux. La TV se met en marche. Ce sont d’énormes cartes postales qui représentent des paysages corses avec fond musical (vent, bruits de feuillage, sable qui coule, flux et reflux de la mer, guitares, polyphonies. Misgiu semble hypnotisé par les images, il se pelotonne sur un bras du fauteuil...  
 
Présentateur: Telecorsica, a telè di i Corsi. Cumprate vi un azzione di Telecorsica, aiuterete u sviluppu di a Corsica. Telecorsica hè u futuru nustrale. Cumprate l’azzione di Telecorsica. (Pause, reprise du thème musical) A nostra emissione: “Carte pustale da a Corsica, visione di un mondu chì si hè sempre vivu”.  (Pause, reprise du thème musical) Telecorsica, a telè di i Corsi. S’è ognunu di voi ci compra un’azzione di Telecorsica, riesceremu à fà una grande televisione. Abbiate fiducia in u nostru grande prugettu, pigliate vi unepoche di azzione di a nostra telè, a vostra telè. (Pause, reprise du thème musical) Eccu l’emissione: “Carte pustale da a Corsica, visione di un mondu chì si hè sempre vivu”. (Pause, reprise du thème musical) Telecorsica, a telè di i Corsi. Vi avemu dumandatu di cumprà un’azzione di nostru, avemu dumandatu a vostra cunfidenza è noi demu premii è rigali à quelli chì ci facenu cunfidenza. Ogni vinti minuti tireremu à l’imbusca un numeru telefonicu di unu di i dui Dipartimenti. S’è issa persona furtunata hà digià acquistatu puru una sola azzione di Telecorsica, vincerà un bonus di sette milioni anziani, via, settantamila franchi di avà. Madamicella, date mi u telefonu.
 
Le téléphone sonne . Misgiu saute du fauteuil et va attendre près du répondeur. Tout d’un coup le Présentateur apparaît en chair et en os. Il parle dans la pièce et sur l’écran!
 
Présentateur: Bonghjornu o Madama, simu di Telecorsica, a telè di i Corsi, a vi passate? 
Voix off de la Femme: Ci sì?
 
Misgiu est fasciné par les paroles du Présentateur. 
Présentateur: Vi piacenu e nostre : “Carte pustale da a Corsica, visione di un mondu chì si hè sempre vivu”?
Voix off de la femme:: Pourquoi ne me réponds-tu pas? J’ai parlé avec l’avocat.
Présentateur: U nostru prugramma ùn l’avete ancu vistu? O Madama, ma chì fate?
Voix off de la femme:: Je sais que tu es ici, je le sais. Mais pourquoi ne me donnes-tu plus signe de vie? pourquoi? Fais-le au moins pour la petite. Elle demande toujours des nouvelles de son papa, toujours.
Présentateur: Allora, mancuna? Ùn ne avete compru mancu una, azzione di nostru? Un’ azzione di Telecorsica?
Voix off de la femme: : Réponds-moi, je t’en prie, ton argent, je n’en veux pas, mais réponds-moi, je t’en supplie.
Présentateur: Madama, sò sette milioni anziani ch’è vo avete persu! settantamila franchi di avà! Aiò aiò, spicciate vi è andate à cumprà l’azzione di Telecorsica è forse un’antra volta, sarete più furtunata, sarete.
Voix off de la femme:  Je te déteste, je te déteste avec ta manie de laisser toujours la télé allumée.
Présentateur: À vede ci, o Madama. Tante cose. È ùn vi scurdate. Cumprate l’azzione di Telecorsica. A televisione di i Corsi. 
 
Le thème musical reprend. Noir.
8.
Facteur.
Quand revient la lumière, la scène n’a pas changé. L’homme et le chat ont disparu derrière le fauteuil. Le présentateur continue son jeu sur l’écran et dans la pièce. Entre le Facteur.
 
Facteur: Uh uh! Sarà mortu, issu disgraziatu. Cuntinueghja à riceve tutti i ghjorni currieru di l’università di mezu mondu è ellu, chì face? Dà tuttu à u misgiu ch’ellu si arruti l’unghje. Intellettuale di merda! È sta campanella? Ding dong! C’est lugubre, non? Mais il ne pouvait pas faire mettre une sonnerie comme tout le monde, un truc simple? Dring, dring. Non, Monsieur est un intellectuel. Alors bien sûr: Ding dong! Mais je sonne pour quoi faire? Je ne vais même pas les mettre dans la boîte, tous les journaux. Je les laisse là, sur le portail. Comme ça, au moins, il y aura quelqu’un pour les lire. Je ne les supporte plus, ces intellos de… Mais enfin, qu’est-ce que vous croyez qu’il fait? Il regarde la télévision. Si au moins il regardait un programme intelligent, pensez-vous: “Carte pustale”. Il regarde “Carte pustale”, le type. Mais qu’il aille se faire fiche et puis voilà!… (il sort.)
 
9.
Vielliard et Livreur.
Entre le Vielliard. Attiré par les revues... il les dispose par terre, s’en fait un matelas, se couche...
Entre le Livreur avec ses paquets.
 
Livreur: Mais oh, avete vistu a pagaglia! Moi, au patron je lui ai dit hein! J’ai dit: “Oh! Le professeur il me semble tout qu’il est fou, qu’il est. Il s’en reste toute la journée avec la télé allumée, il reste, il joue avec le chat, cù u gattacciu y joue! È po a casa, il la nettoie pas, il la nettoie. U vedi chì burdellu! Boh, boh!”  U patrone mi face, il me fait: “Tù, ùn ti occupà di l’affari chì ùn ti arriguardanu micca! U prufessore mi hà datu ottucentumila franchi, è po mi hà dettu: “Tous les quinze jours vous me ferez portez cette liste de marchandises et dans six mois, on fera nos comptes”. Cusì mi hà dettu è cusì faremu; tu portes qu’est ce qu’il faut porter, et tu t’occupes surtout pas de qu’est-ce que tu vois et qu’est-ce que tu vois pas!”.
Boh, boh, moi, s’il avait pas payé déjà, s’il avait, je faisais venir les pompiers tout de suite, un coup de lance et je lavais tout, je lavais, tu la sens pas la puzza? È po dopu, Ding Dong! tandu vidia s’ellu venia à apre, s’ellu venia, omancu una volta. Ding Dong. Chì campanellaccia, mamma mia. Ascò, eiu lasciu tuttu quì è mi ne vò. Mi ne infuttu pocu male, eo! (cIl dépose les paquets à terre, et s’adresse au vieux) Et tù, pas touche, mì!, que tout ça c’est les affaires du Monsieur chì hè quì drentu è chì guarda a televisione. Va que s’ils appellent à moi quelli di Telecorsica, je fais pas comme l’autre; diventu riccu, je deviens chì oh! ne aghju cumpratu cinque di l’azzione di a televisione di i Corsi. Cinq par six, trente, trenta milioni je touche s’elli mi telefuneghjanu à mè, s’ils téléphonent... (en sortant) Ùn tuccà nunda, mì, chì hè tuttu pacatu. Et puis, s’il se mange tout lui, u gattu, à mè chì mi pò futte chì mi pò? Bon prò, o gattò, bon prò! (Il sort)

10.

Vielliard et Moines.
Le vieillard  se lève et fait son choix parmi les victuailles. Entrent deux moines qui sonnent à la porte (imaginaire)
 Moine 1: Ding dong.
Moine 2: Ding dong
Moine 1: Moi, je suis Mathieu.
Moine 2: Et moi, je suis Jean.
Moine 1: Nous t’aimons, mon frère.
Moine 2: Nous sommes venus te parler de l’amour.
Moine 1: Accorde-nous un instant de ton précieux temps.
Moine 2: Homme, écoute-nous.
Moine 1: Ding dong 
Moine 2: Ding dong.
Moine 1: Nous t’aimons.
Moine 2: Nous sommes avec toi.
Moine 1: Ne te tracasse pas, mon frère.
Moine 2: Ecoute la voix du Seigneur.
Moine 1: Ouvre-nous ta porte.
Moine 2: Ouvre-nous ton coeur.
Moine 1: Ding dong. 
Moine 2: Ding dong. 
Moine 1: Nous savons que tu es là. 
Moine 2: Eteins cet écran infernal et écoute-nous.
Moine 1: Laisse parler ton cœur et viens à nous.
Moine 2: Laisse-nous entrer. Ouvre ta porte à la foi.
Moine 1: Renonce aux fausses lumières du spectacle.
Moine 2: Eteins l’écran des ténèbres.
Moine 1: Ouvre les yeux à la lumière de la Vérité.
Moine 1: Ding dong. 
Moine 2: Ding dong. 
Les deux Moines s’aperçoivent de la présence du vieux qui leur offr”e le pain et le vin. Ils se retirent avc dégoût.
 
11.
Vielliard, Voleur, Etudiant.
Entre le Voleur (masque comique) pendant que le vieux s’est recouché.  Accoutrement habituel avec torche électrique et clés. Le vieux ne s’occupe pas de lui. Le voleur réussit à entrer dans la maison et disparaît.
Entre L’Etudiant qui va s’asseoir devant la porte (imaginaire).
Etudiant (au vieux): Ti ne impippi tù, ti ne infutti, chì ùn ai conti à rende à nisunu: Micca famiglia, micca travagliu, pas d’argent, pas d’obligation: la paix. Tandis que moi, ùn aghju travagliu, ùn aghju soldi, aghju una famiglia chì mi ne passerebbe vulinteri è sò carcu di obligazione. 
 
Le vieux lui offre son pain; l’étudiant le refuse. Même jeu avec le lait. Le vieux lui offre son vin; il accepte. Ils boivent ensemble .
 
Etudiant: Pourquoi je suis venu ici, juste ici, pour m’en prendre une? Perchè questa quì, hè a casa di u mio prufessore di liceo. A sò chì in liceu ùn ci hè micca un solu prufessore. Ma per mè, ellu era unicu, u solu chì mi capia è ch’o capia. Capisci? (Pause; ils boivent) Avec lui, on n’avait pas l’impression d’être en cours, mais dans un café ou dehors, dans un parc, au bord de la mer. Avec lui, on n’avait jamais l’impression d’être en train d’étudier. Il était comme ça, vraiment. (Pause; ils boivent) Tu ne peux même pas imaginer sa manière d’enseigner. Tout le monde l’aimait.  Et puis, un jour, Pouf! Disparu, envolé. Il n’est plus venu au lycée. (Pause; ils boivent ). Il y en a qui disent qu’il est parti. Ch’ellu si hè smuntu per via di a moglie. À chì dice dinò ch’ellu si hè chjosu in casa à scrive u libru di a vita. À chì dice ch’ellu hè un connu. (Pause; ils boivent) Mais sa remplaçante, quelle conne! Una bionda ossigenata chì vene in corsu in minijupe è avec les cuissardes. Elle dit qu’il ne nous avait rien appris et qu’elle doit se décarcasser pour rattraper le retard. (Pause; ils boivent) Moi, je sais seulement que sans lui, je n’ai plus envie d’aller en cours: et depuis tout va de travers: avec ma copine, avec mes parents, avec les copins et avec les études. (Il frappe à la porte) Monsieur! (Il frappe encore à la porte) Monsieur! Monsieur! Monsieur! 
 
L’Etudiant et le Vieux se lèvent et frappent à la porte. Tout à coup on aperçoit le Voleur, saisi d’épouvante qui tente de sortir. Il frappe à la fenêtre. Grand bruit de vitres brisées. Le Voleur sort, son masque à la main,  et s’enfuit. 
Noir.
 
12.
Comédiens et voix off.
Le présentateur-Speaker et le Présentateur-Interviewer interrogent des témoins: Etudiant, Vieillard, Voleur, Facteur, Livreur.
Présentateur-Speaker (à la TV): L’homme à la télé. Voilà comment le définissent les journaux. Six mois devant son téléviseur sans interruption, mais il était mort. Ecoutez le reportage.
Présentateur-Interviewwer (à la TV ): Merci les studios. Comme vous venez de le dire, un homme est terrassé par un infarctus en regardant la télé et le poste reste allumé devant lui pendant six mois. Un record, à notre avis. Et encore, si un cambrioleur ne s’était pas introduit chez lui précisément pour voler le téléviseur, personne ne se serait aperçu de rien, pendant combien de temps encore, qui sait? Mais qu’en pensent les voisins, eux  qui n’avaient rien remarqué?
Tous les protagonistes passent à la TV...
Les comédiens entrent l’un après l’autre... Ils se démaquillent... On démonte le décor.
Soudain, le téléphone sonne...
 
VOIX OFF DE LA FEMME: : Il y a plus de six mois que tu n’as pas donné signe de vie. Mais pourquoi? Je sais bien que je ne dois plus croire que je suis à toi. (Pause) Non, non! Ce n’est pas pour l’argent que j’ai besoin de toi (Pause plus longue) Je t’aime, je t’aime, je t’aime!
 
Fin.
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