Alberto Pozzolini : rencontre avec la littérature de Toscane

Scontri di 18.01.2001 - 19.01.2001

La première des Rencontres littéraires mensuelles préparées par le CCU pour 2001 s’est déroulée les 18 et 19 janvier. A Bastia, puis à l’Université de Corse où Alberto Pozzolini a été accueilli par l’équipe d’organisation de ces rencontres.

Le jeudi 18 janvier, plusieurs membres du Jury du Prix du Livre corse, présidé par Marie-Jean Vinciguerra et du Centre Culturel Universitaire dirigé par Jacques Thiers se sont rencontrés à l’occasion d’une cena literaria à l’auberge « La Litorne », à Casevechje, sur les hauteurs de Bastia.
Les organisateurs avaient axé la soirée sur la discussion autour de Camionabile 451, une pièce de théâtre dont le titre est un clin d’œil à l’œuvre de Truffaut. Camionabile 451 pose la question du rapport de la vie à la littérature sans dogmatisme ni érudition pesante, avec fantaisie, humour et souvent gravité.
Sur une autoroute balayée par un vent continu roule un énorme camion noir. Au volant, un homme d’âge mûr. Près de lui, un jeune auto-stoppeur. Ils bavardent. Ils s’entre-baptisent : ils seront Walter et Bruno et se découvriront l’un à l’autre à la faveur d’une conversation à bâtons rompus. De loin en loin, le camion s’arrête pour des haltes littéraires qui prennent parfois l’allure de stations sur un chemin de croix. Walter descend, passe à l’arrière, prend un paquet et découvre alors l’identité des destinataires : les soeurs Brontë, Lewis Carrol, Céline, Joyce, Karl Kraus, Marcel Proust, Wittgenstein, Virginia Woolf. Esquisses, silhouettes, pastiches caustiques et attendris. Puis on reprend la route et le dialogue : voici le conducteur et son passager prêts à s’adopter mutuellement . C’est alors que survient Maria, l’amour, ce qui rompt l’amitié, qui s’interpose, fait naître le désir et la haine et permet à la vie de se continuer... Ah si on avait su, aurait-on lu tous ces livres ?...
Avec une grande élégance de pensée, sans dogmatisme aucun le conférencier a évoqué un parcours riche d’expériences et de réalisations littéraires et culturelles.
A l’époque où Milan est déjà une grande capitale industrielle, Pozzolini entame son parcours comme chargé de communication du Piccolo Teatro où il devient l’ami de Paolo Grassi, de Giorgio Strehler et des grands de la scène européenne. Il entre ensuite comme attaché de presse dans la firme Pirelli et aux éditions Rizzoli comme rédacteur. Rentré à San Miniato dans les années 1970, il est depuis cette date journaliste, enseignant, animateur d’ateliers d’écriture poétiques, chroniqueur littéraire et sportif. Il dirige également la revue trimestrielle Il Grande vetro.
Au cours de la soirée est d’ailleurs né le projet d’un encart dans cette revue où la Corse pourrait faire connaître son actualité littéraire et culturelle. Le journal est distribué dans toute la Toscane et jusqu’à Bologne, Milan et Bolzano. Il permettra de faire entendre la voix culturelle de notre île, au moment où se renforcent des relations soutenues, dans le cadre européen, par l’action des collectivités des régions Corse et Toscane.
Le CCU et le Prix du Livre corse ont accueilli très favorablement cette proposition. Outre la diffusion des informations et des œuvres, l’existence d’un tel support aurait un heureux effet sur la créativité insulaire en proposant un élargissement du public et des perspectives de lectorat.
Vendredi 19, des élèves du lycée Pascal Paoli, des étudiants SRC de l'IUT de Corti, des enseignants, étaient invités à rencontrer Alberto Pozzolini dans un amphi de la faculté de Droit. Alberto Pozzolini, ancien attaché de Presse du célebrissime Piccolo Teatro di Milano, y a présenté, avec humour, élégance et conviction, une de ses pièces au titre étrange et chargé de références cinématographiques Camionabile 451. Familier, jusqu'à l'érudition, des grandes œuvres romanesques de notre temps, Alberto Pozzolini joue avec virtuosité des références littéraires pour construire un scénario onirique où la littérature se trouve embarquée dans un étonnant voyage entre rire et drame, ironie et émotion, réalisme et symbole. La présentation fut illustrée par la lecture, juste et talentueuse, de quelques extraits de l'œuvre, parmi lesquels une sorte de pastiche éblouissant de Céline, qui souleva les rires et les applaudissements, le récitant, Benjamin Garcia-Casinelli, étudiant en 1 ère année de DEUG Arts du spectacle ayant restitué toute la force d'un texte que la traduction française de Jean Chiorboli avait su préserver. Le public était conquis, et définitivement noué le contact avec l'auteur.
Celui-ci, aimable, courtois, réussit la singulière performance de parler de sa pièce sans en entamer le sens, sans proposer nulle grille d'interprétation, laissant à chacun le soin d'en redessiner la signification. A dire vrai, cet intellectuel brillant, par ailleurs reporter pour une chaîne de télévision de matchs de football, a l'art de l'esquive, du contre-pied… et du spectacle. Il conduit la balle comme il l'entend, et place le ballon où il a décidé de le faire. Et le public suit, et le public marche, parce que tous les publics aiment les virtuoses. Ce fut, on l'aura deviné, un moment de haut charme, de pur plaisir.
Rappelons-le, le CCU est à l'origine de cette initiative soutenue par la CTC, la DRAC, le Rectorat et « La Maison des Ecrivains ». Cette manifestation ouvre un cycle régulier de rencontres avec des écrivains du Sud de l'Europe et propose à Corti de devenir lieu de rencontre des écritures littéraires et d’échanges interrégionaux en Méditerranée. C'est donc avec une certaine impatience que nous attendons la rencontre du 15 février prochain, dont l'invitée sera Neria de Giovanni (Alghero), présidente de l’Association Internationale des Critiques Littéraires (AICL). Le rendez-vous mensuel se poursuivra avec en mars le poète croate Draûen Katunaric puis le dramaturge et romancier sarde Antoni Arca ; Casimiro de Brito, poète et président du Pen Club portugais et José Maria Alvarez, de la Province espagnole de Murcia, organisateur du festival international de poésie d’Alicante. D'ores et déjà, bienvenue à tous, et encore merci mille fois à Alberto Pozzolini, dont tous les internautes pourront découvrir la pièce sur InterRomania où est également disponible la version catalane réalisée par Jaume Corbera et publiée aux éditions de l’Université des Iles Baléares (UIB), l’un des partenaires réguliers du CCU.