Trois études critiques

M.J.Vinciguerra : Deux romans corses : du silence à la célébration..

In KYRN, n°168-Ferraghju 1986

 

 

René Emmanuelli, après avoir étudié, il y a quelques années, les rares exemples de « romans en dialecte corse » (U maldistinu di I'amore de Luigi Cossu dit « U Merlu d'Aiacciu », Pesciu Ànguilla  et Filidatu è Filimonda de Sebastianu d'Alzeto, Cavalleria Paisana de Natale Rochiccioli...) s'interrogeait sur I'avenir de cette forme littéraire en Corse : « ces romans auront-ils une postérité ? » Et il ajoutait : « même si le roman dialectal devait maintenant clòre une trop brève carrière, il aurait prouvé qu'il méritait de la poursuivre ». Ce pessimisme n'était pas fondé. Les récentes oeuvres de Michele Poli, U cimiteriu di I’elefanti, (l ) et de Rinatu Coti, Una Spasimata, (2) témoignent de la vigueur d'un genre. qui, contrairement à ce que beaucoup ont pu penser, s'acclimate bien dans un paysage littéraire, certes davantage marqué jusqu'ici par l'expression puremerrt  poétique. On peut même espérer qu'un jour il nous donnera un chef-d'oeuvre où s'exprimera. de façon exemplaire, le génie de notre île. Beaucoup des oeuvres citées s'en approchent par moments.

Nous n'ouvrirons pas un faux débat pour savoir si U cimiteriu di I’elefanti  est un roman ou une chronique du temps présent ou encore si Una Spasimata n'organise pas, autour du thème classique du roman

d'apprentissage, une série de « fole » et nouvelles plus ou moins imbriquées les unes dans les autres.

U cimiteriu di I’elefanti  est le roman de la tragédie du temps. Il s'agit du retour au pays d'un Corse, après quinze ans d'absence. au moment même où les « pieds-noirs » s'y installent. Le cadre historique est nettement précisé ainsi que le climat moral et psychologique de l'époque. Le débat est parfois même fastidieux et I'actualité dévore le romanesque. Chronique du temps présent. U cimiteriu di I'elefanti est également évocation lyrique du temps passé : « tempi è tempi ». Les souvenirs, les émotions, I'amour de la nature montent par bouffées, par vagues successives. Le temps d'hier vacille. se détruit, l'intime durée de l'homme est menacée. Le roman comme la tragédie antique est cet espace d'écriture, ce mouvement de respiration où s'inscrit, haletante la crise du Temps.

Ce qui caractérise le mieux ce ronran, c’est la puissante force lyrique qui le soulève. aussi bien dans l'évocation d'une Corse qui fut que dans celle de la Corse éternelle telle qu'en elle-même sa nature sublime la change. Le charme du passé à jamais révolu est symbolisé par le salon de a signora Leria. gardé par les portraits des dieux lares: « u passatu. u so passatu cusì  caru, cusì soiu, u s'avia arricoltu, sanu sanu, in un otre cume un tesoru, ogni tantu ella apria a bocca di l'otre è si ne scappava quellu soffiu preziosu chì I'empia cun delizia i pulmoni ». Hélas, oui. la

Corse est un vaste cimetière : << è sai, O  Ghjuvan Cà., à mè mi pare quasi quasi chì a nostra Cursichella sia una spezia di cimiteriu d'elefanti, ùn ci hè più chè osse vechje. Si parte una mane à l'alba chjara è si rientre à I'attracchjata stanchi caschiginendu è azezi per cappià st'ossacce fraciche rnezze per issa piana ». Ce cimetière fait contraste avec l'admirable nature: de son regard circulaire l’auteur embrasse la totaiité du paysage « da umbria à sulia », ces deux mots magiques qui rythment le roman.

La Corse est vue de haut, saisie dans sa totalité, rumeurs, couleurs et parfums. La phrase est une onde et une ode. Les adjectifs démonstratifs. les noms de lieux comme autant de grains de rosaire organisent le réseau d'amour d'une vie unanime. « È cusì per isse strette è isse piazze, per issi terrazzoli, per issi zigliari, da issi puntelli è isse porte à umbria è à sulia, di cullata è di falata, di passata o di venuta, prima è dopu Messa, Castinetacci è Munticchi, quindi è culandi. Quaghjò è quassù, si facianu quella chjacchjerata è quella ciarlata”. La phrase se poursuirt en voceru, lamentu, le dialogue en chant choral. Par moments, U cimiteriu di I'elefanti fait penser, ne serait-ce que par le thème du retour de l'enfant prodigue à sa mère. à Conversazione in Sicilia de Vittorini. cantilène qui renoue les fils du présent à ceux du passé.

La langue de Poli est plus ornée. Mais le discours prend lui aussi la forme de l'échange pour le plaisir de l'échange (« chì l'omu si deve di fà mottu à l'omu »), le plaisir de la langue.

A cette langue on boit comme à une source. Les images les plus classiques ne sont jamais clichés, les proverbes de l'antique sagesse restent nouveaux gardant une fraîcheur d'aube. La rhétorique a la spontanéité de la poésie primitive : kyrielle d'adjectifs, la plupart du temps composés (corilegeru, braccimozzu, chjocculipilatu...), comparaisons empruntées au monde des paysans, jeux de mots qui font

pétiller la langue... ce mélange coruscant de poésie, d'ironie et d'humour fait merveille dans les portraits des « vechje streghe ». Les croquis sur le vif des personnages de la comédie villageoise en leurs lieux de convivialité (café, église...). Au-delà de certains stéréotypes et de la mythologie des thèmes habituels (tempi è tempi, a pulitichella. l'exil...) le roman paraît surtout original par la force lyrique d'une écriture de célébration.

Rinatu Coti. hors des sentiers battus, fait entendre, lui, une autre voix, âpre, presque métallique. une voix qui maîtrise l'émotion et pourtant laisse alfleurer. à des moments de grâce, la tendresse.

Sa manière est celle d'un moraliste, scrutateur sans complaisance de l'âme insulaire dans ce qu'elle a de délicat et d'abrupt. D'où ce style si caractéristique, bref et lumineux.

Roman de l'apprentissage, Una Spasimata raconte un enfant à l'écoute du monde («  à l'asculticchja »). Andria dont l'expérience jusqu'ici. a été celle d'un petit campagnard initié aux secrets de la nature, découvre la ville: situation classique des enfants de nos villages qui s'installent  avec leurs parents, à la ville. afin de poursuivre leurs études. « Bramosu di sapè », Andria ne cesse d'interroger les homrnes, adultes et vieux. Il lie amitié avec eux, malgré la différence des générations. Découvrant peu à peu les ambiguités de la vie. Le mensonge. Ia cruauté des mots qui tuent, la valeur du silence, l'enlant parvient paradoxalement à une sorte de maturité et de sagesse (la découverte du « u ghjustu ») et cela au moment même où monte en lui, après une méditation sur la mort, la sève d'un amour plus sensuel et déjà cosmique.

Puissant roman qui décrit une progressive prise de conscience chez un être d'exception qui transforme ses expériences en vision du monde. Andria va mesurer ce que l'homme se doit à lui-même (honneur et dignité), ce qu'il doit aux autres (respect, tolérance, amitié, amour), ce qu'il doit à sa terre et à ses morts. Una Spasimata ou le code de l'honneur insulaire. Rinatu Coti est un moraliste exigeant qui écrit comme on donne sa parole, une parole d'homme. A partir de la quête de l'enfant, toute une société surgit, représentée notamment par les habitants d'un immeuble. Comme dans Le Diable Boiteux de Lesage. Asmodée faisait découvrir à l'étudiant les secrets les plus intimes des maisons de Madrid, Antonietta-la-muette (quel symbole !) révèle à Andria, à travers la fente du plancher du grenier, les terribles mystères d'un couple et la double vie de l'infernale Catalina.

 

Monstre de cruauté et de duplicité (sa maladie est de feindre la maladie), celle-ci serait digne de figurer dans la galerie des femmes diaboliques de Barbey d'Aurevilly. Pourtant cette sorcière n'est pas uniquement du còté de Satan, elle sait témoigner à Andria une certaine tendresse, rappelant par là le complexe personnage de Zia Catalina dans le roman de Poli. Le bourreau est bourreau de soi-même pour n'avoir pas su avouer, sinon à une muette, son terrible secret d'infanticide. Catalina-la-maigre nourrit de « bouffes » gargantuesques sa méchanceté et son remords. Cette goinfrerie d'ogre maniaque est décrite avec un féroce talent. Notons au passage que l'on mange beaucoup dans ce roman et que la manière dont on mange et ce que l’on mange y révèle le fond de l'âme des homrnes: « dis-moi comment tu manges et je te dirai qui tu es »…

Lui, Rinatu Coti nous dit aussi le malheur de la Corse, qui se défait. « un mondu chì si sconcia à pocu à pocu », la fin d'une convivialité, qui avait nom fratellanza. Il nous montre I'homme corse recroquevillé sur ses souvenirs, tisonnant, solitaire, son feu... mais la leçon de ce livre est d'espoir. Pour ne suivre que le chemin de crête de cette exploration d'un monde intérieur, nous retiendrons comme fil d'Ariane, dans le labyrinthe des apparences et des mots qu'il faut savoir Raison et Secret garder. Il y a secret et secret. Il faut apprendre à les démêler. Chaque être a une intimité qui doit être respectée : c'est le mystère de la personne. L'homme doit faire silence et se retirer dans son secret. Ainsi Andria a-t-il fait de son « sulaghjolu », « u so ritiru segretu ».

Il y a aussi des secrets misérables dont on crève comme Catalina. Enfin. il y a lesecret partagé comme un pain de mystère. L'homme vrai est celui qui sait tenir un secret, mais qui sait également le partager avec des hommes dignes de confiance. Andria partagera la terrible révélation avec trois camarades choisis, qui sont déjà une sorte de petite société secrète qui a établi sa loge dans le grenier, lieu privilégié de la connaissance, de la connivence et du partage (aussi bien de la nourriture que des fables), lieu du silence vivant: « u sulaghjolu s'infasciulava in u so silenziu prufondu... eranu entruti in sulaghjolu quasi à entra in un locu sacru. In un locu chì ti permittisi d'esse à mezu mondu è in tempu luntanu da u mondu... avianu vissutu quidda meza ghjurnata cume una stundata sporga, linda è felici d'esse stati insemu, ùn aviani fattu nudda è avianu fattu tuttu ». Ce livre de la pudeur, de I'amitié et du secret est aussi bréviaire d'amour. L'amour, cette vérité qui s'oppose à la mort, qui la dépasse parce qu'elle permet aux disparus de continuer à vivre. Le grand secret n'est-il pas celui qui donne le goût de l'éternité ? Le lien de l'homme à sa terre se passe de mots et relie celui-ci à l'éternité : « È issu sintimru chì l'abitava li cumminicava in bocca spezia diun gustu d'eternità... »

Una Spasimata, une conquête et un rituel du silence. Un silence que Rinatu Coti nous fait entendre comme une lumière, mais un silence qui implique aussi la langue de la terre et des morts. Pour garder son vrai silence, un peuple doit garder sa langue. U cimiteriu di I'elefanti et Una Spasimata sont comme ces lumières allumées le jour des Morts, sur les tombes, gardiennes de notre mémoire, signe et lien entre la mort et la vie, prière tournée vers le passé et l'avenir « è cusì morti è vivi mai ùn si staccavanu.» Una Spasimata et U cimiteriu di I'elefanti parcourant le chemin aride de notre exil, traversent le territoire de la nuit, cette nuit dont les Hébreux disaient qu'elle est « Celle entre deux soleils ».

Marie-Jean VINCIGUERRA

( 1 ) Accademia di I Vagabondi. Ed. 1984

( 2 ) Cismonte è Pumonti. Ed. 1985

 

 

Pasquale MARCHETTI:  Prefaziu di Una spasimata,

Cismonte è pumonti, 1985

 

Trà i tanti rimprovari mossi spessu è vulenteri à chì scumbatte à prò di a lingua corsa, unu chì s'hè intesu è lettu più di una volta, hè quellu di a mancanza di una litteratura : s'intende di una cumpagnia longa di scrittori chì abbianu suminatu per parechji seculi i capidopera in prosa è puesia, cunnisciuti è prezzati da a ghiente struita in tutte quante e nazioni. "Aiò, aiò, ùn vulerete po mette i vostri quattru scrivacciuloni appettu à e cime di e grandi litterature, à le volte? È siccome senza litteratura, lingua ùn ci ne pò esse, fate la finita cù a lingua corsa !" U discorsu hè vechju (era ancu quellu di A Cispra, senza vulè li nigà meritu verunu) è hà purtatu per riazzione certi Corsi arradicati à valurizà autori è scritti di I'ultimi cent'anni, prighendu si per I'avvene qualchì Dante o qualchì Mistral, da annubilisce a nostra lingua, ch'ella possa stà trà le so pare senza sfigurà.

 

Dimmu la subitu chì quessa hè niscentria, cundita cù l'idee semplici è u suppulu di pretensione di ciò ch'ellu chjamava Salvatore Via]e "la mezza dottrina". À schisgià la, pudaria bastà u cuncettu di lingua viva da populu vivu, o i mutivi storichi ch'elli sanu tutti. Ma più à l'accorta, diceraghju chì i diritti di l'individui è di i populi ùn vanu misurati sicondu e ricchezze accatastate, sianu puru quelle di i scritti più suprani. À vulè viva è prova, è schjetta, a so lingua in casa soia, u populu corsu pretende sì ciò chì li cumpete, ma ùn cerca cumpetizione. Nè mancu si vole inchjustrà u spiritu in tempi è cose andate, o in u spaziu limitatu di e so cunfine.

 

Posta quessa, vene comudu u ghjudiziu sopra à quelli chì caccionu u corsu da I'uralità: altru ùn pudianu chè ghjuvà si di i mudelli chì li pisavanu addossu è I'ambizione fù leghiittima di mette u corsu à a prova. Nascì a litteratura riflessa, induv'elle sò palese l'influenze di e mode chì currianu tandu, u più in Francia. Ma u geniu di una nazione micca sempre s'adatta à quellu di un'altra è u casu di a narrativa a ci insegna bellu bè: a nostra tradizione pupulare cuntava in puesia allunghendu à so modu u solcu tiratu da u Tassu o in prosa sicondu l'anticu schema di a fola. U rumanzu longu in prosa ùn hè d'indule nustrale, è à chì a I'hà pruvata (puchissimi sò stati ad avà) I'hè toccu à ricaccià I'usu furesteru, senza riesce à dà li putenza propia, à segnu chì a lingua stessa si n’hè trova scumbussulata, è troppu sente di ristampu è cupiatura.

 

Per quella ghjè chì prima d'innultrà si in I'arestu foltu di a custruzzione rumanzesca, u scrittore corsu chì si vole assicurà I'uriginalità, è attempu tene si à a so lingua li ci vole pratica è tecnica di scrivitura soia unite à a vuluntà di sputichrezza tantu in u pensamentu chè in l'espressione. Via, u so fine ùn hà da esse quellu di “fà un rumanzu” purchessia, aduprendu l'ingredienti di cunsuetudine, più o menu quenti è ammaistrati ma quellu di move I'estru ver di una criazione di fondu è forma, zuccata è sculpita di spiritu soiu in u materiale veru di a vita è di a lingua.

 

Mi pare chì Una spasimata rispondi à u ghiustu à isse cundizione. Ci si movenu persunagi in tempu d'oghie, dissumati da ogni pesu di cunvenzione, franchi da u culore maneristicu, chì ùn parenu mancu tocchi di manu da l'autore. Parlanu a lingua di u cotidianu, a soia, semplice è ricca, induv'ellu ùn entre l'artifiziu di a fabbricazione pinnaghjola. "Fetta di vita"' di sicuru, sicondu u gustu di u nostru tempu.

 

Fedighjata guasi à I'appiattu, chì n'hè simbulu u tufone in u sulaghju, insignatu à Andria da Antunietta a muta, in un mundarellu chjappu pesulu trà paese è cità : Corsica in crisi di tramutu da l’eri à l’oghje. Ascultichja illecita di l’intime liti, e zirme minute, e colpe ascose, e passioni chì rodenu: cacciate e maschere d’abbellimentu, eccuci un troncu di sucetà induv'è no cunniscimu à u veru un’atturnianza chì ùn si dice. Lascemu chì u lettore a scopri da per ellu, è culpitu ch'ellu sarà da u neru di I'umbria, li ne parerà ancu più splindurente a parte assulanata. Chì a speranza, impersunata da u zitellu chì stà in mezu à l’azzione, I'alluminerà a strada.

 

Una strada chl si viaghja à l'andatura sustenuta è cum'è alegra di u stile, di vezzu estrosu è fiatu rigulare, azzicati da e belle sunurità urnaninche, senza mai una cansa in I'altrughjisimu di sintassa, nè un intoppu di lessicu bastardu. For di ogni altru meritu, l'opera mette à locu sicuru tisori linguistichi induv'ellu ciutterà à chì vole insignà u corsu, cummintendu ne a tessitura.

 

Rinatu Coti hè natu in u 1944, è sò vint’anni ch’ellu scrive in corsu- Da U Muntese à Terra Corsa, Populu Corsu, Kyrn, Rigiru, U Ribombu, A Chjamata', ùn ci hè ghjurnale o rivista "di sintimu" chì ùn abbia accoltu scritti di soiu : raconti, fole, articuli d'attualità, puesie.  Hà pubblicatu I'assaghju tioricu Intornu à I'essezza  in a cullezzione"Paroli sciolti" criata da ellu, è cullaburatu à e prime rializazioni sceniche di "Teatru Paisanu". Ùn hè u casu di rammintà tuttu: à chì hà seguitu a rinascita di I'anni 7O si n'arricurdarà. Eppuru, à mè preme di mentuvà e prime uperate militanti, quandu Rinatu sempre rispose di sì, purtendu a so fede soda di Corsu passiunatu è cuscente : a Scola Nustrale di Parigi, principiata in u 71, e Matinate Corse à l'Università d'Estate di Corti in u 73 è 74, e Ghjurnate di Cervioni dapoi u 76, a so cullaburazione à u mio "Assimil" di corsu, è tante altre, in l'ore bughje o chjare, finu à l'emissione Voci Corse, ogni settimana da nuvembre 1981 à ghjugnu 1982, cù a cronica culurita è fantasiosa, seria è ridicula, di U Rivaritu Antonu. lè, ci simu trovi in listessa posta, à u filu di I'anni, intriccendu i fili di I'amicizia, - è à chì cunnosce à Coti, a sà chì a soia ùn la dà micca à tutti, cusi à la Prima.

 

Oghje, ellu ci porta ste pagine carche à ghjente, viste, ansciu di Corsica viva. Allora, o lettò, veni è senti, affacca ti, mi, avà schjariscenu e voci è si pesanu i nuli.

 

 

 

 

Anghjulu POMONTI: Strattu ineditu di una stonda CCU, 2017

Trà ingagiamentu, tradizione è aspirazione muderniste  : chì Riacquistu fù  ?

)

(...)

Puntu debbule incuntestevule di u scrittu corsu, hè logicamente chì a prosa fù messa subbitu à u centru di l'aspirazione criatrice di u Settanta. Geronimi, à l'occasione di una cunferenza data in Cervioni in u 1975, furmulava quellu votu firmatu famosu : « Puesia sì ma prosa à voline più ! ». Seguitendu u solcu di l'elabburazione literaria apertu dopu à Santu Casanova, è quellu tracciatu torna da i piunieri di Rigiru, si cuncentreghjanu cusì e sperenze intornu à u prestigiosu rumanzu, valurizatu da a stituzione internaziunale da ch'ellu duvintò « nobile » u generu à principiu di u seculu 19. Eppuru, cum'è in prosa corta, e prime prove sò marcate da u soffiu di l'uralità tradiziunale, in a cuntinuità logica di a literatura etnugrafica di u Mantenimentu (U vangonu neru, R. Coti, 1974-1981  ; Pece cruda, A. Trojani, 1983). Una tappa impurtante per u rumanzu corsu hè francata invece cù U cimiteriu di l'elefanti (1984), di Michele Poli. Puliticamente indiatu, mette in scena u sprufondu di a civilizazione agrupasturale corsa à traversu à a spaventosa messa in valore agricula di a piaghja orientale, materializendu a transizione da u libru-testamentu versu u libru-testimunianza. Al di là di a so scrittura à tempu schietta è nuvatrice, luntana in ogni casu da a nustalgia cuntemplativa di eri, Poli tinghje u so discorsu d'autocritica è d'umanisimu cun l'idea uriginale di una ricunciliazione trà Corsi è pedineri. Precisemu chì u Riacquistu pueticu viderà sorge dinù, spessu per disegnà un mimetisimu tragicu cù u Corsu di quì o di quallandi, a figura nova di u Stranieru, incarnata vulinteri da u ghjunghjiticciu arabu (« O Dumè o Muamè » di Rocchi, « A lettera » di Thiers, « Vis cosmica » di Franchi...).

A finzione rialista Una spasimata (1985), di Rinatu Coti, vene à cumpletà da più à menu u prupositu abbuzzatu in U cimiteriu di l'elefanti. L'autore ci usserveghja a strappatura storica di u locu tradiziunale à traversu à l'angulu di l'urbanizazione è di l'integrazione definitiva à u sistema capitalista. Rumanzu suciale qualchì volta panflettariu, Una spasimata hè dinù rumanzu di furmazione, quella di u giovanu eroie Andria. Scuragitu da a falsità di u microcosimu urbanu, si gira versu i valori sacri di « campagnalità » incarnati da Zia Francesca è soprattuttu da l'amicu Petru Paulu. Cum'è Poli, Coti face quì u prucessu d'issa Corsica muderna, materialista è sradicata (« l'umbria »), priva di i so valori autentichi è di tuttu u calore di eri (« a sulia »)... Vale à dì, propiu, u secondu titulu di U cimiteriu di l'elefanti, À umbria è à sulia, sceltu da Poli per l'edizione di u 2002. In giru à Andria, metafora tralucente di l'avvene, Coti prova dunque à definisce è à tramandà u Veru, identifichendu è escludendu à u listessu tempu u Falsu, à traversu à una galleria di figure esemplare è d'« anti figure » da riligà o da oppone in trà di elle. U manicheisimu, figuratu da a dualità assiulogica trà campagne è cità, locu anti-naturale di i vizii umani duv'ellu si pò alterà è ancu scumpone l'esse corsu tradiziunale, hè palesu. Eppuru l'individuu, più chjaramente chè in i ritrattini di U cimiteriu di l'elefanti, torna infine à spuntà in u rumanzu di spressione corsa più di cinquant'anni dopu à Pesciu Anguilla. A lingua di Coti, spessu criticata per a so sputichezza ma pupulare à u listessu tempu, si merita infine duie parolle. Rispettosa di e norme, cuncilieghja arradichera regiunale, arcaisimi è innuvazione neulogiche, tullerendu ancu u talianisimu è u gallicisimu puntuali. Un altru esempiu, soca, di l'inghjennatura. Per Pasquale Ottavi, finalmente, Una spasimata «  compie u ciculu di a muta di a litaratura corsa iniziatu incù U cimiteriu di l'elefanti ». U rumanzu corsu mudernu hè natu. (...)