DES NOUVELLES D’IMEDOC: Baléares, Corse, Sardaigne, Sicile

« Récits des Baléares, de Corse, de Sardaigne et de Sicile » Albiana-CCU, Ajaccio, 2002.

DES NOUVELLES D’IMEDOC


« Récits des Baléares, de Corse, de Sardaigne et de Sicile »Albiana-Centre culturel universitaire, Ajaccio, 2002.

 

Un ouvrage présenté par ORSI Cécile ARRIGHI Laura


Des îles littéraires?Les nouvelles réunies dans ce recueil relèvent-elles d'une écriture insulaire ? L'évidence était pour nous si forte que la question ne s'exprime qu'à présent, une fois les textes rassemblés. Trop tard pour revenir sur le propos. Nous voilà pris au piège de notre empirisme candide qui nous fit dire que la littérature insulaire existe. Le lecteur jugera.

Quoi qu'il en soit, on ne saurait affirmer qu'il est des îles littéraires au seul repérage des lieux évoqués, ni à la seule identification des personnages et de l'itinéraire culturel des auteurs. D'autant qu'en vertu d'un préjugé largement partagé, la critique est prompte à assurer que l'oeuvre véritable ne se construit que dans le mouvement qui porte du particulier au général. L'île aura donc tort, une fois encore, de vouloir imposer à la littérature les contours où elle se reconnaît. Il arrivera d'ailleurs que, se conformant aux normes de l'institution littéraire, les écrivains interrogés assureront qu'ils ne sont insulaires que par hasard, et îliens en aucune façon. De toute façon, habitants d'une seule résidence et d'une seule patrie : la littérature.
Il suffit néanmoins de parcourir ces textes pour leur reconnaître une sorte de parenté que nous attribuons, peut-être hâtivement mais avec une conviction forte, aux univers insulaires qu'ils évoquent ou qu'ils impliquent.
Et si en définitive ces nouvelles ne se révèlent insulaires que par les rapports « externes » qu'elles entretiennent avec leurs auteurs et les espaces mis en scène, tant pis, si elles plaisent aux au lecteur ! G. Thiers, (Préface, pp. 3-5)

sommaire
• Nino Romeo (Sicile)
Post Mortem (trad. G. M. Comiti) / Post Mortem (trad. G. Thiers)
• Josep Noguerol i Mulet (Majorque)
U bon prò di i midicini di tempi di una volta (trad. A. Di Meglio) / L'efficacité des remèdes de bonne femme (trad. F. M. Durazzo)
• Giulio Cossu (Sardaigne)
Una capanna di frasca (trad. A. Di Meglio) / Une cabanne de feuillages (trad. M. A. Versini)
• Paulu Desanti (Corse)
Exit / Exit (trad. P. Filippi)
• Ghjuvan Maria Comiti (Corse)
Ritornu / Le retour (trad. D. Verdoni)
• Franco Cocco (Sardaigne)
A bertula di u ricordu (trad. G. Chiorboli) / La besace du souvenir (trad. M. J. Aiello)
• Aina Perelló i Comas (Majorque)
Karlovy Vary, austu di u 1989 (trad. M. A. Versini) / Karlovy Vary, août 1989 (trad. F. M. Durazzo)
• Stefano Milioto (Sicile)
Mounir (trad. G. Chiorboli) / Mounir (trad. D. Verdoni)

    Huit auteurs venus des îles de Méditerranée occidentale (IMEDOC Baléares, Corse, Sardaigne, Sicile) sont réunis par l’écrit et l’imaginaire, choisis par les quatre jurys de la «Biennale de Proses des îles » et le centre culturel universitaire de Corte.
      Les nouvelles sont présentées en version corse et traduction française.
      Ces récits suffisent-ils pour que l’on puisse parler de « littérature insulaire», s’interroge la préface à l’ouvrage? L’idée nous en est suggérée par les quatre situations insulaires de Méditerranée occidentale réunies dans l’espace IMEDOC (Iles de MEDiterranée OCcidentale) .Chacun à sa manière, ces récits font référence à l’identité culturelle particulière de leur île, mais ils engagent aussi à méditer sur l’existence d’un imaginaire commun et d’une manière d’être et de vivre qui les rapprochent. A travers la lecture de ses nouvelles,on peut voir se dessiner ou s’ affirmer avec résolution l’attachement de ces cultures voisines à des croyances et à des espoirs qui leur forgent une destinée commune.


POST MORTEM de Nino Romeo (auteur dramatique, metteur en scène et comédien en Sicile)


Dans cette nouvelle, l’auteur met en scène l’exploration dramatique de l’âme humaine des pulsions qui nous agitent et des douleurs accentuées par un environnement social fait de conventions, de censures et de tabous.
Le personnage principal, Delfo, issu d’une famille pauvre, obtient le titre de professeur en médecine après de longues années de travail acharné et avec beaucoup de détermination. Son premier mariage s’achève au bout de quelques années, lorsque son épouse découvre qu’il entretient une liaison avec son infirmière. Cette relation est très mal vue aussi bien par ses collègues que par ses proches, mais il ne se laisse pas abattre pour autant et décide de se consacrer uniquement à sa thèse. Sa carrière de gynécologue connaît un grand succès, et il gravit très vite les échelons. C’est à cette époque qu’il rencontre sa seconde épouse avec qui il a une fille, mais toujours aussi infidèle, il multiplie les liaisons entre chaque rendez-vous.A quatre vingt ans,il est resté le même, toujours aussi séduisant et charmeur. On découvre alors une double personnalité. Celle qui se maîtrise, au travail par exemple où il fait bonne figure, et celle qui souffre. Lorsqu’il se rend à la morgue pour examiner un cadavre; pour la première fois, en voyant le corps nu de la jeune fille il lui vient une pensée obscène. Malgré le dégoût que lui inspire cette cette idée, il finit par concrétiser cette pensée. Le lendemain matin ses collègues découvrent Delfo mort près du corps inerte de la jeune fille.

L’EFFICACITE DES REMEDES DE BONNE FEMME de Joseph Noguerol i Mulet (Enseignant de lettres en espagnol et en catalan à l’université des îles Baléares)


Joseph Noguerol décrit l’activité fébrile d’une petite ville de province bouleversée par un fait divers inquiétant. Un homme a un orgelet et essaie par tous les moyens de le faire disparaître. Après plusieurs tentatives -comme celle de se frotter l’oeil avec de l’or- infructueuses, il décide de fabriquer une petite tour au milieu d’une place, en espérant qu’un passant la fasse tomber. Ainsi, pense-t-il, le mal se répercutera sur le passant. Comme fait exprès, les passants ne font qu’effleurer la tour, et juste au moment où une vieille dame semble se diriger droit devant la tour elle découvre le piège. Ayant aperçu l’homme (qui observait la scène assis sur un banc), pensant à une agression, elle se met à hurler. Tous les passants se retournent et deux d’entre eux se lancent à la poursuite de l’homme à l’orgelet. Désormais recherché, il décide de se déguiser afin qu’on ne le reconnaisse pas. Il retourne sur le lieu de l’incident et se rend compte qu’il y a des policiers aux quatre coins de la place. Le lendemain cette histoire fait la une des journaux. Désespéré par cette atmosphère lourde de menaces, il quitte l’île pour la péninsule. Mal à l’aise dans l’avion il jette un sort aux hôtesses qui sont toutes plus belles et plus prétentieuses les unes que les autres. A l’atterrissage,il se rend compte que son orgelet a disparu et que les hôtesses, ainsi que leurs compagnons ont à leur tour un orgelet. Désormais guéri, il peut rentrer chez lui.
Une manière bien drôle d’évoquer la superstition et l’attachement à certaines croyances.

UNE CABANE DE FEUILLAGES de Giulio Cossu (enseignant de lettres classiques en Sardaigne)


A travers la simplicité de ton de la «Cabane de feuillages », le lecteur recevra l’enseignement d’une expérience qui appelle à la sérénité et au consentement de la vie comme elle va. Il s’agit de deux soeurs dont l’une s’occupe du père devenu un peu fou avec l’âge. Epuisée de s’occuper de lui, elle demande de l’aide à sa sœur . Celle-ci se décharge de ses responsabilités sur un neveu à qui elle porte une grande admiration. Le vieillard est habité par une idée fixe : il veut quitter la maison pour aller s’installer dans le j ardin, et construire une cabane de feuillages. Le neveu essaie de l’apaiser en évoquant les années passées, les récoltes, et lui fait faire deux trois tours inutiles dans la maison afin de lui donner l’illusion d’une promenade. Peu à peu le vieil homme semble plus heureux, plus paisible.
Rien ne vaut la sérénité, la beauté de la nature pour se reposer l’esprit. Il faut profiter des choses simples de la vie.

EXIT de Paulu Desanti (enseignant de lettres modernes et de langues et cultures corses)


Depuis l’âge de dix-huit ans, Polianoff cherche désespérément de quelle façon il pourrait se suicider. Il se rend à Venise avec l’intention de se jeter dans le grand canal; ouvre une boutique de tailleurs, cherche la meilleure manière de s’étrangler... 1914 :début de la guerre, il refuse de partir au front car il ne veut pas mourir avec les autres. Il a donc fait plusieurs tentatives mais à chaque fois le destin en a décidé autrement. Il se met alors à boire; la mort ne vient toujours pas. Polianoff réfléchit aux grands hommes qui ont marqué l’Histoire .A quatre vingt dix ans, il finit par écrire une nouvelle car il ne veut pas mourir sans laisser à l’humanité la leçon tirée de sa longue existence.

LE RETOUR de Ghjuvan Maria Comiti (maître de conférences en langue et culture corses)


Il s’agit d’une figure légendaire de l’histoire corse, Sampiero. Dans la première scène on assiste à son exécution : il est décapité. On apprend alors qu’il a été condamné pour avoir voulu se suicider, ne pouvant assurer la survie de ses enfants. Il arrive en enfer où une voix divine lui apprend qu’il peut revenir parmi les vivants en se montrant juste et courageux (ce dont il n’a pas fait preuve en tentant de mettre fin à ses jours). Il bénéficie donc d’une deuxième naissance et va tenter de se racheter. Malheureusement, il s’empresse de se rendre à la gendarmerie pour porter plainte contre lui-même ; car en voulant se suicider il a tenté d’éliminer une vie, la sienne. Cette plainte pose problème car on ne peut être à la fois victime et assassin. C’est un véritable imbroglio qui embarrasse les institutions. Même l’avocat de Sampiero ne sait plus à quel saint se vouer. Sampiero sera placé à l’hôpital dans un état proche de la schizophrénie La scène finale est un retour au début. La tête de Sampiero coupée gît dans une mare de sang et on entend la voix divine lui dire « Tiens, tu es déjà de retour ?»


LA BESACE DU SOUVENIR de Franco Cocco (enseignant de littérature italienne en Sardaigne).


Cette nouvelle tient du conte et de l’évocation. Elle nous fait méditer sur la manière dont procède le souvenir. Le titre métaphorique dit bien comment celui-ci comprend le passé avec sa poche de derrière et conduit vers le présent (la poche de devant). Cette réflexion s’illustre aussi par l’évocation de souvenirs personnels. L’auteur entend une mélodie qui lui revient sans cesse à l’esprit et le plonge dans un état de rêverie harmonieuse et que le lecteur ne tarde pas à partager. Le texte cherche à identifier les rêves et les visions : apparaît alors la vieille Morgane et ses récits terrifiants, accompagnée de l’inquiétant de Filippo Pied de Chèvre. Une nouvelle qui est « un sentier pavé de mots ».
KARLOVY VARY de Aina Perello i Comas (enseignante, Palma de Mallorca ). C’est la correspondance d’une étudiante adressée à une amie. Elle lui écrit de la ville d’eaux tchèque où elle passe ses vacances. Elle décrit l’hôtel dans lequel elle réside, évoque les gestes et rythmes quotidiens de l’existence que l’on mène dans ce type d’établissement de cure. L’impression est pesante, chargée de mélancolie, mais non dépourvu de charme. L’atmosphère évoquée semble éphémère, vouée à la disparition. Différents silhouettes traversent un récit volontairement monotone : un professeur qu’elle a rencontré et avec qui elle a sympathisé, des pensionnaires allemands et arabes dans un établissement dont le ‘avenir est incertain car nous sommes à la fin de l’ère communiste.

MOUNIR de Stefano Milioto (professeur de littérature italienne en Sicile).


C’est l’histoire d’une famille marocaine qui immigre en Italie, à Agrigento, dans le but de travailler, récolter un maximum d’argent et retourner au pays pour y ouvrir un restaurant. L’un des enfants, Mounir, passe son temps entre l’école et au stand que tient son père. Le jour de la rentrée une nouvelle venue, Rosalinda, arrive dans la classe de Mounir. Elle est issue d’une bonne famille, son père est un riche notable de la ville. Rosalinda éprouve de l’attrait pour Mounir qui est d’abord indifférent mais va bientôt nourrir une grande passion pour la jeune fille. Cet amour sera contrarié : médisances, calomnies, dénonciations, tentatives d’intimidation contre la famille de Mounir. Le jeune homme disparaîtra définitivement un jour après l’école sans laisser de traces. Le dernier paragraphe laisse le mystère planer sur le sort de Rosalinda; placée par son père dans un collège, mais « allez donc savoir de quel collège il s‘agissait.. ».