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Francese

TEATRU E SUCETA: ARGONAUTI 2000

IN CORSICA THEATRE DE FURIANI, lundi 2 et mardi 3 octobre

Comme cela a été fait à Lucciana en juillet pour Una festa per Aristofane, l’Associu corsu di l’IITM et le Centre Culturel Universitaire (CCU) ont organisé la venue en Corse de ce spectacle de dimension internationale couplé avec une opération dont la portée est culturelle et éthique. Elle vise en effet à intensifier le dialogue entre les peuples et les cultures, le renforcement des relations culturelles entre les régions et pays riverains de la Méditerranée, l’action en faveur des arts de la paix.
Cette fois, le projet est plus ambitieux encore puisqu’il s’est traduit par une résidence de 15 jours réunissant des acteurs de 8 pays sous la direction du metteur en scène espagnol Pedro Alvarez-Ossorio. L’action est également importante pour le développement de l’action théâtrale en Corse puisque sont intégrés des éléments insulaires (une assistante de mise en scène issue de notre département « arts du spectacle » et un jeune acteur-chanteur interpète du rôle d’Orfeu).
Coorganisateurs de l’opération « Argonauti 2000 » en Corse:

- la municipalité de Furiani et son théâtre
- l’IITM international et l’Associu corsu di l’IITM
- le Centre Culturel Universitaire (Université de Corse)

Du 15 septembre au 3 octobre, le théâtre de Furiani a accueilli en résidence cette troupe. Cette initiative de l’IITM a donné lieu à différentes rencontres et ateliers en Espagne, en Roumanie et en Croatie et a abouti le 2 juin 2000 à la création du spectacle Argonautas 2000 dont la mise en scène et la dramaturgie ont été saluées comme un événement par la critique (cf.ci-dessous).
Le spectacle prend appui sur le thème du périple des Argonautes dont il transpose la signification dans la modernité.
C’est une nouvelle étape que la troupe a franchi avec le travail préparé à Furiani et qui a eu deux représentations :
lundi 2 octobre (matinée à 14 heures)
mardi 3 octobre (soirée à 21 heures).

Le spectacle préparé à Furiani, qui intègre des polyphonies corses, a été présenté en première mondiale de cette nouvelle version en tournée durant le mois d’octobre de Sarajevo, Séville, Zagreb, Madrid et jusqu’au Portugal.
Outre le spectacle, un séminaire (lundi 2 octobre à 16 heures 30) et une exposition se sont tenus dans le Centre Administratif de Furiani et la Maison des Jeunes et de la Culture attenante.

LA GRANDE CÉLÉBRATION DE LA CONCORDE

« Le théâtre peut être un châtiment, mais aussi une récompense, lorsque les meilleures forces humaines interviennent. C'est ce qui est arrivé au théâtre Marin Drzic, de Dubrovnik, qui a récompensé son public avec la pièce Argonautes 2000 présentée par un groupe d'acteurs, itinérant et insolite, représentants de 8 pays, qui montrait l'image d'un monde fraternel et faisait de la scène de Dubrovnik un espace méritant l'attention internationale. Il s'est produit,face à un public surpris, un miracle que personne ne saurait nier. C'est un projet de l'Institut International du Théàtre de la Méditerranée auquel se sont associées plusieurs institutions culturelles et théâtrales de Croatie, Espagne, Roumanie, France, Grèce, ltalie, Maroc et Portugal, avec le soutien de la Commission Européenne et qui, en vérité, constitue un cas théâtral unique.

Une des figures clé de ce projet est notre écrivain et dramaturge, Darko Lukic, qui, avec une inspiration particulière et une intention hautement créatrice, a adapté, du point de vue scénique et philosophique,le célèbre mythe grec, en le remplissant de connotations qui pénètrent par tous les pores de notre existence actuelle de guerre et d'après guerre. La célèbre navigation des Argonautes coule parmi les illusions rhétoriques, avides d'éternité, malgré leur condition instable et fugace, dans lesquelles les héros mythologiques se transforment en êtres fous, agressifs et dérisoires, les prouesses héroïques en violence gratuite et la recherche de la toison d'or en universel d’absurdité et de méchanceté.

Depuis des millénaires obscurs s'éveille un portrait de Dorian Gray terrifiant et défiguré, destin universel du monde, qui choisit au hasard ses Jasons, sans distinguer l'amitié et l'inimitié, en mettant à égalité l'amour et la haine. La discipline, l'obéissance aveugle des vieux Argonautes, ne conduisent nulle part; elles ne servent qu'à multiplier les victimes, dépecées au nom de la confiance insensée accordée au Néant. Avec Lukic, collaborent à la dramaturgie José Monleon, Katarina Papaikovou, Pedro Alvarez Ossorio et Jean Luc Palliès.Il est difficile, sans être dans le projet, de connaître la portée et le poids des contributions de chacun d'entre eux.

Mais un apport tout spécial à cette proposition scénique est celui du langage, qui rassemble, au sein d'une communauté itinérante, une série de langues sans relation historique entre elles. Comme si l'objectif de ce groupe international était la création d'une fraternité laissant de côté tous les préjugés d'une nationalisation forcée et n'admettant que l'humanité comme règle. Le langage, par conséquent, efface toutes les frontières et nous montre l'union des êtres humains, en annulant une grande partie des causes de tant d'affrontements inutiles. Le mythe perd sa signification d'origine en faveur de la raison. Il s'excuse auprès du présent et de l'avenir et confesse l'ancien péché en s'appuyant surle meilleur héritage de la sagesse méditerranéenne.

Tout ceci est conçu et réalisé comme une grande célébration de la concorde qui guérit les folies et les haines. Et quand les acteurs, chacun dans sa langue, deviennent enfin compréhensibles, ils nous signalent le juste chemin pour éliminer les barrières auxquelles nous acondamnés l'histoire.

Le directeur, Pedro Alvarez Ossorio, a créé une expression scénique insolite et mythique nous rappelant les mirages et les surprises visuelles que les personnes transforment en narrations. Elle nous rappelle aussi les narrations qui finissent par être le plus profond des personnes et qui arrivent à mettre épiquement en harmonie toutes les images. La scénographie se multiplie grâce à des changements intelligents et légers, appuyés par la lumière, ainsi que par les costumes du roumain McRanin, la musique choisie par la croate Mirjana Kolombic et les idées chorégraphiques de la franco-italienne Cathy Marchand, très bien traduites par les acteurs, en assurant, de la sorte, une force ajoutée aux événements scéniques et en donnant au spectacle une simplicité lumineuse qui touche tousles sens du spectateur. Quatorze acteurs de différents pays réunis dans un groupe d'heureux travailleurs-rêveurs, qui frappent par leur expressivité et par une magnifique vitalité et une énergie qui rayonnent en même temps de force et de douceur Le lien particulier spécial qui les unit tous, est particulièrement émouvant et ressemble à l'amour qui se ressent et se pressent dans chaque regard, dans chaque frôlement. Telle est la nature d'une pièce destinée à laisser une trace profonde dans les consciences de ses spectateurs et capable d'encourager la rencontre entre beaucoup d'êtres humains. Puisse son voyage par la Méditerranée durer le plus longtemps possible et ouvrir beaucoup d'yeux encore fermés. »

Critique de la pièce parue
dans le journal "Slobodna Dalmacija"
(Dubrovnik, 4-6-2000),
signée par Anatolij Kudrjavcev