Le cœur de l'aiguille
Puesia
DUMAS Catherine
Toujours les femmes ont tissé
car elles rêvent doucement et lent est le rythme
dont elles cousent la tristesse avec les couleurs de la joie.
Elles qui ne choisissent pas, mais sont choisies,
n'arrivent pas à partir, mais sont traînées au loin
où elles font leur nid pour retourner à l'enfance.
Mais chaque rêve est tissé avec les fils de la montagne en vue
ou la plaine qu'elles arpentent de leurs pas.
À chaque tapis sa part de rêve et de réalité,
comme des sœurs nées du sang des animaux et du rouge
des œillets, de l'éclat des chevaux, de la souplesse des cerfs,
comme si elles pouvaient voler sur les ailes des colombes pour rencontrer
les étoiles perdues ou jamais trouvées. Elles ne sont plus des vieilles femmes
cousant, mais des jeunes épouses montées sur leurs rêves
qu'elles partagent avec les autres. C'est ainsi que se multiplient les couleurs
dans leur ventre plein et volent les tapis de fille en fille.
Chacune part et reste, une aiguille dans la main
et le cœur insatiable.