EX-VOTO: UN PROGRAMME D'ECHANGES ET DE REALISATIONS A LA FRONTIERE

Coopération des dramaturgies de Corse, Sardaigne et Toscane

Scontri di 31.12.2004

          Le projet EX-VOTO a associé trois partenaires transfrontaliers ainsi que différentes institutions, entreprises et associations. L’association ACAB (Livourne), chef de projet, le Circolo Musicale LABORINTUS (Sassari) et l’Association de soutien du Centre Culturel Universitaire (CCU) ont conçu, organisé et réalisé un cycle de représentations théâtrales qui constituait la concrétisation finale de cette action menée à bien sur une année de 2003 à septembre 2004. Les spectacles Ex-voto (Toscane), Su fizzu ‘e s’orcu (Sardaigne), L’Abbracciu (Corse) ont été donnés à Castelsardo (21, 22, 23 août), Bunifaziu (3, 4, 5 septembre) et Livourne (10, 11, 12 septembre).

         Ce projet a bénéficié du soutien de la Collectivité Territoriale de Corse, de la Provincia de Livorno et de la Provincia di Sassari, ainsi que du FEDER dans le cadre d’INTERREG-III A. Dans chacune des trois régions les autorités locales et leurs services ont apporté une aide efficace et chaleureuse. Ces précieux concours ont renforcé la valeur de cette coopération culturelle et artistique, en lui donnant une visibilité publique plus large. Enfin, l’intervention d’une compagnie maritime, la Corsica Ferries pour soutenir les déplacements et la communication, a matérialisé et souligné l’itinéraire suivi par le projet.

 

 

        EX-VOTO a mis en place un échange artistique et culturel concret entre la Corse, la Sardaigne et la Toscane, au moyen de spectacles produits sur le thème de la religion populaire. Les ex-voto que l’on trouve dans bien des églises des trois régions en sont l’un des aspects. La piété qui s’exprime dans ces compositions ou ces offrandes a une haute valeur humaine, qu’il s’agisse de réalisations d’une certaine ampleur ou, le plus souvent, d’objets communs et banals, exhaussés de leur condition modeste par la foi qui les brandit vers la divinité. Souvent naïfs, souvent attaqués par l’âge et les intempéries, ces témoins émouvants conservent la force de l’acte de foi en la vie qui leur assure l’immortalité en dépit de leur état de détérioration et de précarité.
       Il s’agissait donc d’interroger les histoires que renferment ces tableaux et objets votifs anciens et souvent séculaires. Des catastrophes ou de tragiques événements impliquant des populations entières (guerres, tempêtes, cataclysmes), mais aussi des itinéraires singuliers et de modestes chroniques familiales sont ainsi placées sous un regard divin où la protection de la Vierge Marie ouvre sur l’espace du « mare nostrum ». Un regard tutélaire balaye la plaine marine où se dressent soudain la menace et le péril et où pourtant réside, par la pêche, le commerce, le voyage et la conquête, le destin des peuples de Méditerranée. L’ex-voto représente ainsi une relation constante entre la vie comme elle va et les dieux que l’on implore. C’est aussi un point de réunion de cultures caractérisées par une sensibilité religieuse commune.
         Aussi une telle situation représente-t-elle un puissant stimulant pour la création théâtrale. D’ailleurs les personnages et les événements des ex-voto nous restituent les éléments d’une comédie humaine » qui évoque la confrontation de l’homme avec les obstacles naturels, sociaux, culturels, historiques et religieux. Une rencontre où est immanquablement mise en relief l’intervention salvatrice de Dieu.
       Nous avons donc trouvé là un matériau riche et divers, déterminé par la singularité des lieux, des événements et des circonstances, mais traversé aussi par des similitudes et des échos qui rendent compte de sa valeur et de sa portée universelle.
Les créateurs se trouvèrent, dans ces conditions, confrontés à des choix complexes et des opérations multiples. Les spectacles se devaient d’une part de mêler la documentation historique et les références religieuses connues des publics concernés et de leur piété populaire. Il s’agissait d’autre part de construire des spectacles contemporains par la forme et l’esprit, affranchis de toute volonté hagiographique, et résolument tournés vers l’évocation des questions et des sensibilités de notre temps. Grâce à la concertation entre les trois partenaires et l’activité infatigable de Gabriele Benucci les trois pièces respectent cette donnée du cahier des charges. Elles témoignent d’une sensibilité et d’une esthétique modernes, avec des éléments parfois surprenants, et quelquefois une facture iconoclaste.

 

       Repérages à Alghero

     En pratique, le projet visait à produire trois spectacles dramatiques sur le thème, conçus et montés par chacun des partenaires séparément et intégrant trois données de caractère artistique et culturel. Les spectacles devaient être représentés en plein air, à une période de fête, en général lorsque un public nombreux se trouve rassemblé pour des visites sur des lieux d’intérêt historique, artistique et culturel des trois régions. La période estivale est apparue rapidement la plus propice.

      Le choix des sites et des lieux a fait l’objet d’investigations approfondies. En premier lieu s’imposaient naturellement ceux des églises qui abritent les ex-voto, ceux qui ont été le théâtre des événements narrés. L’équipe transfrontalière a ainsi visité plusieurs sites et travaillé sur plusieurs hypothèses. Santa Teresa di Gallura, mais aussi Alghero, La Madonna di Montenero, A Trinità di Bunifaziu présentaient des atouts évidents, notamment du fait de la présence de collections importantes d’objets votifs pour certains d’eux. D’autres considérations, comme l’accessibilité, les nécessités de l’installation technique et les règles de sécurité sont venus moduler les premiers choix. Quoi qu’il en soit, les déplacements et séances de travail en commun, sur place et dans ces différents lieux, ont permis de mûrir le projet et de lui donner une importance qui aura des retombées incontestables sur les partenariats à venir. Cela se vérifiera notamment pour l’extension et les prolongements possibles de ces actions, dans le domaine de l’activité touristique. Si, comme nous le croyons, cette optique est retenue et des itinéraires et voyages sont mis en œuvre dans cette optique, l’expérience du projet réalisé sera d’un grand apport. Les représentations constitueront ainsi le moment de spectacle intégré à ce que l’on peut définir comme des itinéraires culturels ou, comme l’on dit communément, des « Trekkings théâtraux ». Ces parcours devront être organisés et programmés de manière à permettre de représenter dans chacune des trois régions les trois spectacles montés d’abord séparément. En tout état de cause et indépendamment de ces perspectives, l’atelier de réflexion et de coopération interrégionale mis en place à l’occasion de EX-VOTO a d’ores et déjà instauré entre les partenaires des relations et des réalisations qui promettent de s’amplifier. Pour ne citer que des actions réalisées, on signalera le spectacle I Ritorni di Pasquale Paoli qui s’est déroulé à Corti en décembre 2003 et dont la conduite scénographique a été confiée à Mariano Corda, tandis que le cercle Laborintus réalisait les parties musicales. Autre fruit de cette collaboration avec la création, le 13 mars 2004 au Musée de la Corse, dans le cadre de l’exposition Mérimée de la pièce Ma chì Culomba ? où Mariano Corda, U Teatrinu et Gabriele Verdinelli conjuguaient à nouveau leurs talents, un spectacle qui a été donnée à nouveau le 20 juillet 2004, en animation du congrès « Environnement et Identité » de l’Université de Corse.

Repérages à A Trinità in Bunifaziu

         Les résultats artistiques obtenus et les liens interrégionaux noués nous ont paru tout à fait dignes d’être conservés sous la forme d’un livre présentant les trois textes, quelque matériel de communication et quelques photos. Cette publication s’accompagne d’un DVD regroupant quelques phases significatives des trois pièces. Ces traces des représentations filmées à Bunifaziu et à Livourne sont complétées par sept interviews qui éclairent les orientations sémantiques et esthétiques des spectacles. Gabriele Benucci et Pietro Cennamo s’y expriment pour la Toscane, Mariano Corda, Gabriele Verdinelli, Angelo Vargiu et pour la Sardaigne, Guidu Cimino et Ghjacumu Thiers pour la Corse. Antoni Arca énonce par ailleurs le point de vue d’un auteur. Certes, il y aurait mille choses à dire sur ces spectacles, sur la beauté des sanctuaires visités, des espaces pressentis, sur l’intérêt des personnes rencontrées, informées du projet, de son cadre et de sa philosophie. Il faudrait pouvoir retracer par le menu le travail éducatif accompli dans les écoles de Sardaigne pour parvenir aux dessins qui ont servi de modèle et support aux bannières colorées réalisées en broderies et patchwork pour Su fizzu ‘e s’orcu, la confection des décors extrêmement fins et la chorégraphie parfaitement réglée de Ex-Voto, les solutions multimédiales inventées pour les atmosphères de L’Abbracciu, et tant d’autres traits qui laissent lorsqu’on se les remémore autant de nostalgie que de satisfaction. Le lecteur aura compris que ce projet  ainsiréalisé prend place parmi les opérations pleinement réussies. Nous espérons que le présent document pourra communiquer, en même temps que le sens de cette action, le plaisir éprouvé par chacun des partenaires à chaque étape de sa réalisation.

G.Thiers