L’IDENTITÀ? ... LE REGARD ET L’ESPRIT LIBRES...QUALE SÒ ?

Sò Mariella, una bell’anima
Chì ama a vita malgradu i so danni
Sploru u mondu è mè stessa
Cù passione, sapienza è puesia

Sò un'artista, una creatrice
Chì si sprime cù finezza è delizia
Scrivu, disegnu, vibru
Liberu u mo core è a mo mente

Sò una viaghjera, una studiente
Chì ampara da tuttu è da tutti
M’interessu à l'invisibile è à l'energia
Evolueghju sempre è cresciu

Sò una resiliente, una ricunniscente
Chì affronta e prove cù eleganza
Mi liberu, mi guariscu, m’allegeriscu
Cascu, mi rilevu, avanzu

Sò una cuscenza, una accettante
Chì campa cù i so sbagli è a so fragilità
Mi capiscu, m’avvicingu à u mo veru mè
M’accettu, mi cappiu, mi tengu cara

Sò Mariella, una bell’anima
Chì sparte cù u core è u fascinu
Cambiu, m’adattu, mi trasformu
Sò solu eiu, in tutta a mo interità.

 

 

LE REGARD ET L’ESPRIT LIBRES

 

Peut-être est-ce la netteté de la lumière d’ici qui donne sa lucidité à l’âme corse et par contrecoup, la vigueur d’une volonté d’être qui se donne carrière avec tant d’impétuosité qu’elle porte toujours à la passion et mène parfois, paradoxalement, jusqu’à la mort. On ne vit pas impunément en symbiose avec le paysage, les couleurs et les formes d’un univers qui exhale, peut-être parce que les îles sont la niche des rêves, un parfum entêtant d’éternité.

On sait ce qu’on a dit de la force d’une nature insulaire qui, en portant l’esprit à la contemplation, détournerait souvent l’homme du labeur et de l’œuvre. Il est alors indispensable de démêler le stéréotype du jugement vrai et la réalité de l’illusion. Toujours est-il que la vue ne peut que succomber à la diversité des paysages et à la luxuriance entrevue tandis que le regard court au point de fuite et que les échappées ouvrent sur des applats marins tendus sur des profondeurs d’abîme ou butent sur les chatoiements d’une lumière qui rosit des cimes enneigées. Un taillis ouvre à la rêverie un vert d’émeraude où les sous-bois noient des silhouettes hirsutes de châtaigniers. Une anse inondée de soleil darde les lames d’une plage chauffée jusqu’à fusion et annule le prisme dans un blanc primordial.

Oui, la nature est ici présente dans toute perception et si pressante dans la sensibilité du passant et de l’artiste qu’elle pourrait rendre vaine l’idée créatrice qui fonde l’œuvre.

 

C’est sans doute pour cela que, dans les six douzaines d’expression que réunit cette galerie, la représentation mimétique du réel est exclue. Si en effet les œuvres figuratives sont bien représentées, elles se caractérisent toutes par des reconstructions du sujet, de fortes réinterprétations du motif. Tantôt notre regard y lit les leçons des grands maîtres de l’art moderne lorsque celles-ci visent à abstraire de l’anecdote la pensée et le geste artistiques. Tantôt l’œuvre se signale par la cristallisation d’une attention minutieuse sur le détail, un effet d’hyper-réalité qui entraîne au-delà des apparences sans jamais estomper la conscience de soi et la perception concrète du monde où nos corps évoluent. Jamais le coup d’œil n’abolit ici le réel. Il n’y rive jamais non plus l’attention.

Dans un environnement typé par une culture patrimoniale forte et présente dans le discours quotidien ainsi que dans les déclarations et les programmes idéologiques, on aurait pu s’attendre à une floraison d’œuvres sollicitant directement le matériel ethnographique du référent culturel insulaire et méditerranéen : scènes et figures traditionnels, images des travaux et des jours, allégories, etc... Si l’on tire ailleurs grand profit commercial du prétexte de l’identité culturelle pour des produits hâtifs et stéréotypés, la collection d’œuvres présentées n’en fait gère usage. C’est heureux. C’est sain. Lorsque l’engagement est revendiqué par l’artiste, il ne s’appose pas sur l’œuvre comme une marque de fabrique. Il coïncide avec l’effort créatif de l’homme et mêle son élan créatif à la production même. Il fait signe en même temps que l’œuvre quand celle-ci est forte, authentique, réussie.

La création corse, privée historiquement du soutien et du mécénat publics ou privés, n’a pu sécréter autour de ses produits les institutions qui en fondent la reconnaissance et en projettent sur les circuits de diffusion et de consommation la valeur marchande. Depuis ces dernières années les choses bougent, quel que soit le domaine considéré, de la polyphonie au livre, à l’art et à l’artisanat. Il faut se féliciter de l’apparition d’une tendance qui à terme confortera les forces de création et leur donnera un champ plus large d’expression en même temps qu’une visibilité internationale où ce qui est en germe aura, n’en doutons pas, une belle carrière.

Néanmoins ce mouvement n’en est qu’à son amorce et longtemps encore vont cohabiter des niveaux non normalisés d’expression. On retrouvera longtemps encore la spontanéité éclectique de l’autodidacte doué et l’expression unifiée de l’artiste de métier, fort de ses expériences et de sa virtuosité, fruit d’un long travail d’apprentissage et de l’affirmation d’un style personnel. Comment ! Ensemble? Dans la même galerie? Sur les mêmes scènes? Chez les mêmes éditeurs? Sans unité? sans canons? Oui, parce que la création corse n’est pas encore consacrée, instituée, codifiée, normalisée.

Il faut s’en féliciter. Et cultiver cette liberté du regard et de l’esprit