LES SOURCES HISTORIQUES DU CHANT CORSE:

La tradition musicale

 

HISTORIQUE DES SOURCES (pages 44-59)


              À l’origine, le corse était une langue purement dialectale, qui n’a été utilisée comme langue écrite et littéraire qu’à partir du XIXe siècle. Les écrivains cultivés de l’île écrivaient jusqu’alors en italien et tentaient, « ... un peu trop servilement ... » (Marcaggi), d’imiter les poètes italiens.

              Le Terzine corse, parsemé de mots de dialecte, doit être considéré comme une curiosité. L’abbé Guglielmi (1644-1728) de Piazzale (Orezza) l’écrit à une connaissance à Rome, dont la petite amie prétendait comprendre le corse. Les textes n’ont pas été publiés avant 1843 (Poesie scelte di Prete Guglielmo Guglielmi), édité et annoté par Emmanuelle, P. F., Bastia 1843). C’est de là que proviennent nos enregistrements n° 146 à 148. Ils font sans doute partie de ces mélodies venant de l’étranger (voir le chapitre de

cet ouvrage « « airs populaires de Bastia »), et ont été publiés en 1890 par Clementi et Graziani.            

              Des fragments de poèmes satiriques mordants du poète villageois Alisandru Ambrosi (Lisandru di Rustinu) de Castineta, mort vers 1828, ont été transmis et publiés par la suite.

              Le chanoine Straforelli (Valéry l’a rencontré en 1834 alors qu’il avait plus de 80 ans à Bastia) a écrit des satires caustiques vers la fin du XVIIIe siècle, qui n’ont été publiées qu’après sa mort. Le Lamentu d’Anna Catalina, un chant funèbre parodique, a été le premier de ses poèmes à paraître dans l’édition Canzone contadineschi de Viale. Il a également écrit le Diceu pruverbiu, fréquemment reproduit.

              On sait également que l’écrivain Anton-Sebastiano Lucciardi, appelé Prète Bisagiu (1764-1869), aimait réciter ses propres poèmes et improvisations, mais ne les écrivait jamais. Son petit-fils, le poète Jean-Pierre Lucciardi, a pu en reconstituer certains, mais en utilisant comme source la mémoire des anciens du lieu natale de son arrière-grand-père, Santo Pietro di Tenda. Il les a publiés dans les almanachs corses Chiaravalle et Artigiano Corso à Bastia. Lucciardi a également écrit l’une des premières comédies en dialecte, Mamma So, qui fut jouée à Santo Pietro di Tenda en 1821 devant de nombreux invités venus de Bastia.

              C’est tout ce qui a survécu du XVIIIe siècle. Ni les anciens chroniqueurs des XVe-XVIIIe siècles (Giovanni della Grossa, Filippini, père Rossi), ni les rapporteurs français du XVIIIe siècle (abbé de Germanes, Pommereul, l’officier du régiment de Picardie, Gaudin) n’ont transmis la moindre information sur le chant ou la poésie traditionnels corses (Marcaggi 1926 : 7).

              Le premier exemple littéraire publié en corse est la « Sérénade du berger Scappinu» dans le canto IV de la Dionomachia de Salvatore Viale de 1817 : il s’agissait sans doute d’une imitation de chants traditionnels de ce type.

              Des vers corses ont été écrits plus tôt mais publiés plus tard dans l’Ottave rusticane d’Ugo Peretti (1747-1838) de Levie et dans le Testamentu en dialecte corse d’Alexandre Pertrignani de Venzolasca (mort en 1813), ami de Salvatore Viale, publié en 1844 dans sa Poésie à Bastia.

              Si ces exemples de poésie littéraire corse ont été mentionnés ici, c’est uniquement parce qu’ils constituent les premiers témoignages connus de la poésie corse. Il ressort de ces données qu’au moins Lucciardi avait l’habitude de réciter ses poèmes dans le style des improvisateurs ; nous pouvons peut-être en conclure qu’il les chantait aussi occasionnellement dans ce style. Il en va sans doute de même pour Lisandru di Rustinu.

              À partir de là, nous nous tournons d’abord vers les recueils de chants traditionnels proprement dits, puis nous revenons aux écrivains corses d’une période plus tardive, dans la mesure où ils ont contribué aux chansons de l’île.

              Seuls les exemples de chants traditionnels trouvés ici et là dans les carnets de voyage du début du XIXe siècle ont été une source d’inspiration pour nos propres efforts et nous ont donné envie d’écrire en langue corse. Les ouvrages suivants appartiennent à cette littérature de voyage :

Benson

1825

 

Robiquet 

1835

Valery, M.

1838

Pastoret, Comte A.

1838

 

Mérimée, Prosper 

1840

 

Sketches of Corsica. London. Contient la sérénade Andare minni vuò (n° 151) et un chant funèbre satirique (Boceratu burlescu) de la Pieve Alesani, Era Giacu Francescu, un omettu barbi-rossu (pp. 154 et suivantes).

Recherches sur la Corse. Paris. Reproduction de la Sérénade Dionomachia de Viale

Voyages en Corse, l’île d’Elbe, et en Sardaigne. Paris. Vol. I, p. 140 :

Sérénade Nelli monti di Cuscioni (aucune source indiquée).

Claire Catalanzi, ou la Corse en 1736....Paris. Vol. II, p. 15 : chant de morts de Taglio décrivant le mort d’une certaine Chilina de Carcheto d’Orezza, Este dettu rusariu (aucune source citée).

Notes d’un voyage en Corse. Paris. Contient 200 pages, cf. : Sérénade Andare minni vuò ; trois complaintes funèbres : lamento de Maria Felice de Calacuccia, Eju filava mio rocca (selon communication orale), Quandu d’intesi la nova (communiqué oralement, le texte diffère de celui d’Austin de Croze), Ballata de Maria R. de Levie,  O caru di la surella de 1838. Mérimée a écrit la complainte funèbre d’après des modèles corses dans son roman Colomba.

A cette époque apparaissent les premiers recueils de texte des chants traditionnels corses

Tommaséo Niccolo

1841

 

Viale, Salvatore :

1843

1855

Canti popolari toscani, corsi, illirici.... Venezia. (réédité en 1974).

 

 

Canti popolari corsi. Paraît dans une anthologie de la littérature corse.

 

Le même, indépendant, Bastia.

Niccolo Tommaséo (1802 - 1874), écrivain et érudit italien, a étudié le droit puis est devenu journaliste à Florence en 1827. Expulsé de sa patrie, il s’est rendu en France en 1834. Depuis 1839, il a vécu à Venise. Son œuvre comprend des études historiques, des commentaires sur Dante, un dictionnaire de la langue italienne, un dictionnaire d’esthétique, des poèmes et plusieurs romans. Il a également édité les lettres de Pasquale Paoli.

              En 1839, Tommaséo a passé quelques mois en Corse et a étudié les coutumes et traditions des Corses ainsi que les documents littéraires existants. Marcaggi (1926 : 17 f.) nous informe que Mérimée a appris à l’époque, par l’intermédiaire des savants J.-G. Gregorj et Capel, de quelle manière l’excellente collection de Tommaséo avait vu le jour. Quelques écrivains et savants corses l’avaient assisté : Jean-Vitus Grimaldi Joseph Multedo, Salvatore et Louis Viale. En outre, Tommaséo avait eu connaissance des notes d’Alexandre Arman, ancien sous-préfet de Corte, qui préparait une étude folklorique sur les Corses. Tommaséo le mentionne trois fois dans son œuvre. Arman avait pris de   nombreuses notes sur l’histoire de la Corse et possédait une collection de textes de chansons, en particulier de chants funèbres. Ses notes semblent avoir disparu ; du moins Marcaggi n’a pas pu retrouver leur trace.

              Salvatore Viale (1787-1861), issu d’une vieille famille de Bastia, avait étudié dans sa ville natale et à Rome et fut magistrat de Bastia depuis 1816, conseiller judiciaire à partit de 1828. Il reçut la Légion d’honneur en 1846 et prit sa retraite en 1852. Il a écrit le premier poème jamais publié en corse, à savoir la susdite « Sérénade du berger » dans la satire héroï-comique Dionomachia de 1817, raison pour laquelle il est appelé Creatore di a nostra Letteratura Dialettale dans sa courte biographie dans Monte Cintu 3, 1961, p. 89.

              En 1827, il avait commencé une compilation Saggio do alcuni moderni autori Corsi, à laquelle, en raison de sa grande résonance, il a ajouté en 1843 comme fasc. 5 un recueil de chants traditionnels corses (174 pages). Ils furent réédités sous le titre Canti popolari corsi à Bastia en 1855 et firent l’objet d’une troisième édition en 1876. Le recueil contient 28 chants traditionnels, deux sérénades, deux ninne nanne (berceuses), un chant de propagande électorale et 23 voceri. La préface de 1855 se termine par ces phrases (p. 4) : «...Noi siamo debitori di alcuni canti, e di alcune dilucidazioni ai canti medesimi, allacortesia die Alessandro Armand di Ajaccio, gia Sotto-Prefetto di Calvi e di Corte, studioso e benemerito raccoglitore delle cose patrie. Dai canti corsi, non sempre bene scelti ma quasi sempre maestre volmente illustrati da Niccolò Tommaséo, abbiamo tratto pure alcune canzoni, restituendovi o corregendovi qua e là qualche passo a norma della tradizione del dialetto o del ritmo...»

              Selon Marcaggi (1926 : 9), de nombreuses familles corses possédaient des recueils manuscrits de chansons populaires et de chants funèbres. Pendant la préparation de ses Chants de la mort et de la vendetta (1897), il a pu en trouver trois autres, mais pendant la production de son deuxième recueil, Lamenti voceri (1926), il chercha en vain d’autres manuscrits de ce type (1926) et soupçonna qu’il n’en existait plus : ils avaient probablement été jetés comme du vieux papier. Les trois manuscrits qu’il a trouvés étaient très volumineux. Après les avoir examinés, il est arrivé à la conclusion (1926 : 21 et suivants) que les voceri qu’ils contenaient n’étaient rien d’autre que des imitations de voceri plus anciens, tous écrits d’une manière complètement uniforme. Ils ne possèdent, à son avis, ni la pureté stylistique ni l’originalité des morceaux anciens des Canti popolari.

« ... J'ai donc décidé, dans cette nouvelle édition (grossie seulement de chants électoraux, pièces satiriques, rondes enfantines, inédits), de m'en tenir aux vieux voceri pour ainsi dire classiques. Ils ont été passés au crible, choisis, peut-être être parmi des centaines de chants funèbres, par des lettrés telles que Grimaldi, Arman, Viale, Tommaséo, et sur une période assez étendue, puisque

                  O caru di la surella

(vocero VIII) se réfère à un assassinat commis à Levie en 1838,

                  Eju pertu dalle Calanche

 (vocero III) est de 1833,

                  Eo buria che la me voce

(vocero I) est de 1767,

                  La to jente t’aspettava

(vocero V) est de 1745.

Ils sont tout à fait à faire caractéristiques et suffisent à donner une idée exacte et complète des chants de mort et de vendetta en Corse ... ».

              Marcaggi fait toutefois part de son doute si les chants ont été enregistrés dans leur forme première ou plutôt éditées sous une forme réarrangée. 

              Étant donné que les manuscrits originaux des textes recueillis par Arman, Capel, Viale et Grimaldi semblaient avoir été perdus et qu’une comparaison avec l’anthologie de Viale imprimée en 1843 était donc impossible, Marcaggi a dû se contenter de formuler des hypothèses. En comparant le matériel imprimé de Viale avec celui des manuscrits qu’il avait lui-même découverts, il est arrivé à la conclusion que les morceaux publiés en 1843 étaient des arrangements : il leur manque tous les éléments des véritables improvisations surabondantes et opulentes, les répétitions, les nombreux détails minutieux sur les personnes et les événements chantés, qui étaient caractéristiques des complaintes impromptues. Ainsi, nous trouvons dans l’œuvre de Viale une réduction au contenu élémentaire et – en raison du choix des strophes – des textes relativement courts. Viale avait de toute évidence omis des strophes de la sérénade d’un berger de Zicavo (Andare minni vuò) et de celle d’un jeune homme de Serra (Beatrice fa riflessu). Il en va de même pour les quatre strophes consacrées à l’adoration des Muses, que l’abbé Guglielmi avait fait précéder, dans l’original, à son Octave Giocose. Enfin, Viale a exclu le beau vocero du Piedicroce de Béatriceau (Quandu n’intesi la nuova), pourtant publié par Mérimée, et ensuite par Tommaséo : « ... toutes les images et expressions originales qu'il contient se retrouvent, en effet, dans d’autres voceri ... » (Marcaggi 1926 : 28). Ainsi que le conclut Marcaggi, les Canti popolari corsi de Viale ont été sélectionnés, édités et publiés sous cette forme par des hommes lettrés, selon des principes purement littéraires et esthétiques.

              Bien entendu, il n’est pas possible ici de donner des détails sur le contenu des plus grandes collections de chants. Toutefois, les morceaux figurant dans le présent ouvrage comporteront les références correspondantes.

              L’historien allemand Ferdinand Gregorovius a consacré un long chapitre de son livre Corsica (1854) à la poésie traditionnelle corse et a donné des traductions allemandes de certains des plus beaux voceri de l’anthologie de Viale. De même, G.-V. Grimaldi a inclus des textes du livre de Viale dans la deuxième édition de ses Novelle Storiche (Bastia, 1855). De nouveaux textes de chants apparaissent pour la première fois dans Jean de la Rocca La Corse et son Avenir (1857 : 85 ff., vocero de la sœur du bandit

Caninu de Nazza, Eo buria – = vulia – che le me voci, et chant funèbre pour une fille nommée Fiordispina d’Ota, Stamane in piazza d’Ota),

              De même, les textes des lamenti Dumattina este lu jornu et E per una doghia amara ont été imprimés pour la première fois dans l’Histoire illustrée de la Corse de l’abbé Galletti (1863 : 85 ff.).

              Les compilations de Tommaséo et Viale ont également été les principales sources pour les publications suivantes. Dès lors des notations de mélodies apparaissent, tout d’abord comme de brefs exemples, puis de plus en plus nombreuses, dont l’origine n’est malheureusement pas indiquée dans tous les cas.

 

Fée, A. L. A. :             Voceri, chants populaires de l’île de Corse. Paris. Strasbourg

 1850

                  Fée était professeur de botanique à l’école de médecine de Strasbourg. En 1845, il a été chargé d’examiner les conditions médicales et sanitaires des hôpitaux militaires en Corse. Son récit de voyage parut d’abord dans le Courrier du Bas-Rhin du 17-27 février 1846, puis sous la forme d’un petit livret, Une excursion en Corse pendant l’été de 1845 (Strasbourg, 1846). Ce rapport est ensuite devenu la préface de son livre sur les voceri corses. Fée nomme Tommaséo comme source principale de ses textes, qu’il a traduits mot à mot en français. Les commentaires remontent également à Tommaséo. Fée n’a passé que peu de temps en Corse : son voyage aller-retour a duré environ quinze jours. Néanmoins, ses notes révèlent ses qualités d’observateur attentif et il a fourni une excellente description de la terre, des lieux, de la végétation, de l’économie et des gens. Sa collection se compose de 25 voceri, deux sérénades et trois berceuses avec trois disques de mélodies (sans indication de la source).

              Le livre de Fée a impulsé l’étude de Paul de Saint-Victor sur les chanteurs de voceri corses Hommes et Dieux (Paris, année ?).

Ortoli, Fréderic :        Les voceri de l’île de Corse. Paris.

1857

              Fils du poète et homme de lettres corse A. L. Ortoli de Tallano, Fréderic Ortoli s’est consacré à l’étude de l’histoire locale.

              Ortoli conclut les remerciements de la préface par (cf. l’original). Le recueil d’Ortoli contient 29 voceri, dont 18 publiés précédemment et onze nouveaux, ainsi que trois notations de mélodies (dont Julien Tiersot du conservatoire de Paris est l’auteur). La plupart des morceaux, comme le révèle la concordance complète des textes, ont été repris des écrits de Fée – et donc finalement de ceux de Tommaséo et Viale – sans qu’aucun de ces noms ne soit mentionné. Quelques nouveaux textes ont été ajoutés et sont vraisemblablement dus au père d’Ortoli. En notation musicale, les mélodies de Dumattina este lu jornu, Cheta, cheta, chet’ o Sagra et Eju filava la mio rocca ont été reproduites, mais sans mention de leur origine.

Caniou, Paul :                             Les chants Corses, poésies historiques. Rennes.

 1879

              Malgré tous les efforts, ce livre est resté introuvable. Il est cité en rapport avec les recueils de chants corses et peut avoir une importance secondaire.

Marcaggi, Jean Baptiste :           Chants de la mort et de la vendetta. Paris.

1898

              L’écrivain et futur président du syndicat d’initiative d’Ajaccio est né à Bocognano en 1866. Ses œuvres littéraires sont en grande partie le résultat de l’étude qu’il a menée toute sa vie sur l’histoire et le folklore corses : La Genèse de Napoléon (1895), Bandits corses d’hier et d’aujourd’hui (1932). Les deux recueils de chansons mentionnés ici sont ses œuvres les plus importantes. Il a également écrit une pièce de théâtre et deux romans dont le sujet est en rapport avec la Corse. Les œuvres de Marcaggi ne sont pas seulement basées sur des sources littéraires (il a été longtemps bibliothécaire de la ville d’Ajaccio) : il aimait voyager et rapporter des informations de la bouche des gens du pays et des archives privées.

              Le premier recueil de Marcaggi contient 31 chansons déjà publiées et quinze enregistrées pour la première fois. W. Hörstel, dans son livre Die Napoleon-Inseln Korsika und Elba (1908), consacre un long chapitre sur les voceri corses avec des traductions allemandes de textes d’Ortoli et de Marcaggi. Les cinq enregistrements mélodiques de Marcaggi ont été réalisés par le musicien tchèque Jacques Tessarech qui a travaillé en Corse. Marcaggi commente : (cf. l’original) (transcriptions de Via lasciate mi passa, Quando junse la nuvella, Eju filava la mio rocca, O Matteu, di la surella et Nelli monti di Cuscioni). Dans la préface, Marcaggi souligne qu’il disposait d’un nombre beaucoup plus important de textes, mais qu’il a effectué une sélection rigoureuse du vocabulaire des voceri les plus caractéristiques, dont certains sont le résultat des efforts d’auteurs antérieurs : il s’agit de nouvelles traductions métriques en français des Canti popolari de Viale. Son commentaire sur la collection de Viale a déjà été reproduit. En plus de cette source, Marcaggi disposait de trois vastes collections manuscrites de chants corses obtenues auprès de particuliers. Comme ces manuscrits semblaient être des textes non édités provenant d’une utilisation directe, avec toutes les particularités des voceri improvisés (reprises, descriptions méticuleuses des détails), Marcaggi a décidé de procéder selon le même principe que Tommaséo et Viale, à savoir :

 

réviser, lisser et resserrer les morceaux qu’il a lui-même découverts. Cependant, il donne le nombre original de strophes pour chaque morceau. Marcaggi ne considérait pas une telle révision comme une intervention falsificatrice et soulignait que la forte influence de la littérature italienne vers 1840 avait eu des effets tout à fait différents : dans les villages et dans les campements de bergers des Alpes, les gens connaissaient par cœur de longs passages de la poésie italienne et aimaient les réciter à chaque occasion. À cette époque, la poésie populaire corse était imprégnée de leurs expressions et de leurs images.

              Enfin, Marcaggi souligne que les paroles des chants traditionnels corses se déclinent en de nombreuses variantes, et que dans la littérature apparaissent parfois des versions italianisées ou des formes dialectales particulières d’un même morceau. Comme toutes les transmissions orales, les chants traditionnels corses ont subi des changements et des déformations au cours de leur diffusion sur l’île. Marcaggi utilise de tels arguments pour justifier les révisions de Viale ainsi que les siennes (Marcaggi 1926 : 30 ff).

Marcaggi, Jean-Baptiste :           Lamenti, voceri, chansons populaires de la Corse. Ajaccio :

1926                                             Rombaldi.                                                                      

              Il s’agit d’une édition modifiée et augmentée du recueil de 1898, avec tous les chapitres introductifs, nouvellement rédigés et dont le contenu a déjà été discuté ci-dessus. De nouveaux écrits, inédits, ont été inclus, notamment des textes de chansons de propagande électorale, de satires et de chansons de jeux pour enfants (rondi).    

 

Biscottini, Umberto : Fiorita de le poesie corse. Torino.

1923

Biscottini, Umberto :                    L’anima della Corsica. Bologne.

1928

              Le dernier contient 76 textes de chants, pour la plupart tirés de la littérature existante (deux rendus publics par Mérimée, deux par Viale, 19 par Tommaséo, cinq par Ortoli, deux par Marcaggi), dont neuf inédits issus de diverses sources et 37, eux aussi inédits, provenant de la collection d’Édith Southwell-Colucci. De plus, il compile 56 poèmes d’importants artistes corses de la littérature ancienne et moderne. Il s’agit de la première publication italienne sur le chant traditionnel corse depuis Tommaséo.

                 

Southwell-Colucci, Edith :           Canti popolari Corsi. Livourne.

1933

              Également publié en Italie, ce livre est le fruit du véritable travail de terrain de l’auteur. Les morceaux de cette œuvre ont été rassemblés dans les années 1923-32. Les textes sont reproduits sans avoir été édités, et parmi eux, on trouve du matériel très important, beaucoup de nouveautés

 

 

 

et de nombreuses variantes de morceaux déjà publiées. Chaque texte est accompagné d’une indication précise sur son origine (personne et lieu) et sur l’année de publication. La préface de 21 pages donne un aperçu de l’historique  des sources du chant corse et une esquisse de leurs contextes ethnographiques et historiques. Cette œuvre poursuit l’orientation moderne prise par Marcaggi.

              À ce stade, il convient de mentionner deux ouvrages qui traitent de manière analytique des textes des chants traditionnels corses, à savoir :

Ambrosi, Mathieu :    Le chant corse, Paris/Nice.

1934-35/1938
              L’œuvre parut à Paris en 1934-35 sous forme d’une série d’articles en huit fascicules dans la Revue de la Corse  XV-XVI, puis, à Nice, sous forme de livre. Dans ce dernier, on trouve quelques mélodies de chants accompagnés au piano, mis en musique par Raoul Laurenti. L’ouvrage d’Ambrosi commence par un traité détaillé sur l’histoire du chant corse, que nous aborderons dans une des prochaines sections. Viennent ensuite des chapitres d’Ambrosi sur les différents genres de chants, à partir d’une étude de leurs caractéristiques textuelles.

              Mathieu Ambrosi était un fonctionnaire colonial.

 

Natali, Jean-Baptiste :                

1961                            La poésie dialectale primitive du peuple corse. Bastia : Éditions U

                                    Muntese.                                  

              Le poète et romancier, né en 1883, a publié, dans les dernières années de sa vie, l’étude analytique susmentionnée des textes de chants traditionnels corses (écrite en 1957) et l’étude du dialecte de l’Alta Rocca.

 

              Outre l’ouvrage d’Ambrosi, Le Chant Corse, l’article suivant est sans doute aussi pertinent pour l’histoire du chant corse. Il est paru dans L’Irrendenta, quotidien italien de l’époque, et est devenu introuvable :

Neretti, L. :                 II canto popolare toscano in relazione a quello sardo, corso e liguro.            

1940                            II Telegrafo, edit. della Corsica. Livorno. 31 luglio 1940

                                   

                  Dans les travaux suivants, les notations et réflexions musicales sont étendues.

Croze, Austin de :     La chanson populaire de l’île de Corse. Paris : Honoré Champion.

 1911

              Austin de Croze est le premier auteur à tenter d’analyser, même imparfaitement, à la fois les paroles et la musique. Ses réflexions sur la musique reposent beaucoup plus sur son imagination que sur des faits. Son livre est avant tout un recueil de textes. Toutefois, seuls des extraits de ces derniers sont cités, à titre d’exemple (mais de façon plus complète que chez Ambrosi et Natali). Presque chaque texte est accompagné de la mélodie. Au total, le livre comprend 27 enregistrements de mélodies.

 

Cet ouvrage intéressant est introduit par des chapitres détaillés sur l’île, ses habitants et leur ethnographie. —

              Cela nous amène aux collections musicales dans lesquelles tous les morceaux sont reproduits en texte et en mélodie. La première est celle des musiciens Clementi et Graziani (1890), qui mérite une attention particulière en raison de sa position clé. Je n’ai pu en trouver un exemplaire qu’en 1973, ce qui explique qu’il n’ait pas encore été inclut dans la première version de mon travail 

              Déjà dans le cas de Fée et Ortoli, la question de l’origine des mélodies qu’ils avaient publiées, accompagnant des textes déjà édités auparavant, se pose. Il est concevable que les textes en question fussent encore chantés à leur époque, c’est-à-dire vers le milieu du XIXe siècle, avec ces mélodies retranscrites par les deux auteurs. Dans le cas de Clementi et Graziani, cependant, il devient évident que les deux musiciens ont fusionné des mélodies en vogue et une partie considérable des textes de chants traditionnels (collectés par Tommaséo et Viale). À partir de ce moment, les relations texte-mélodie restent largement obscures, ce qui est d’une importance capitale car les auteurs postérieurs se sont largement inspirés de la collection de Clémenti et Graziani. La relative interchangeabilité des mélodies, même au niveau de langage populaire, n’atténue pas la nature problématique de cette collection. Elle mériterait sans doute une étude particulière, en raison de son importance dans l’historique des sources du chant corse, qui pourrait apporter un éclairage intéressant sur les rapports entre transmission écrite et tradition orale.

 

Clementi, Antoine Nicolas & Dominique Graziani :     

1890                      La Lyre Corse. Marseille : Pépin frères                                                                                      

              Clementi et Graziani étaient deux musiciens de Bastia. Leur Lyre Corse est le premier recueil de chansons musicales. Les exemples musicaux de nombreuses collections ultérieures leur sont attribués. Les notations musicales sont destinées à un usage pratique et ne constituent pas des transcriptions scientifiques d’interprétations réelles. Cela vaut également pour les autres collections.            

              Le livre contient un total de 31 morceaux. Les sept premiers sont des compositions des auteurs eux-mêmes (quatre de Clementi, trois de Graziani) sur des textes de divers écrivains corses. Certains de ces chants sont fortement nationalistes (die Hymne à Napoléon I, deux morceaux à la mémoire de Pasquale Paoli et autres). Dans ces sept morceaux, la voix chantée est accompagnée au piano.

              Pour les 23 chants suivants, seule la voix, c’est-à-dire la mélodie, est notée. En outre, il existe un mouvement paghjella en trois parties (n°23), qui est le premier, et fut pendant longtemps le seul enregistrement de ce type.

 

             

              Parmi ces morceaux, on trouve huit chants à mélodies folkloriques, dont six avec des textes de la collection Viale. Le reste est constitué de quinze chants dans lesquels des textes littéraires ont été mis en musique sur des mélodies populaires, dont cinq de la ville de Bastia, où, aujourd’hui, on ne trouve pratiquement plus de matériel musical bastiais. Les paroliers les plus courants de la collection sont Vincenzo Giubeca, Joseph Multedo et Michel’ Angelo Poletti. Plusieurs poèmes sont de l’abbé Guglielmo Guglielmi, auxquels des mélodies populaires « à la mode » semblent avoir été ajoutées.

 

Tomasi, Xavier :                        Corsica - Chansons populaires de l’île de Corse. Recueillies, notées 1913                                                     et harmonisées par X. Tomasi.

                                                      Nice. Éditions Mattei.               

              Il n’a pas été possible d’établir si ces chants populaires, dans l’arrangement et l’harmonisation de Tomasi, sont identiques à ceux figurant dans Corse - Recueil des chants corses de Tomasi (quinze chants en différents dialectes, avec traduction française et accompagnement au piano), qui a été recensé par Henry de Sorbo dans la Revue de la Corse IV 1923, p. 153 et suivantes). On y cite la préface de Tomasi, dans laquelle il est dit que :

« Après de longues et laborieuses recherches, nous avons pu rassembler les douces et troublantes mélopées de nos ancêtres et nous les avons réunies en un volume...Nous les avons notés avec un soin jaloux de façon à en conserver toute la couleur locale en laissant ä l'harmonie qui les accompagne (partie de piano) le caractère troublant et mélancolique que seul un fils de Corse peut traduire avec sincérité ».

 

Tomasi, Xavier :                          Les chansons de Cyrnos. Marseille.

1932

              Cette deuxième collection doit être considérée comme la plus riche et la plus intéressante en raison de sa taille et de la plus grande authenticité des enregistrements mélodiques (toutes sortes d’interprétations communes semblent avoir été prises en compte). La collection la plus riche et la plus intéressante est celle qui semble tenir compte des manières d’interpréter. Elle est sans doute le fruit d’un travail de collecte consciencieux.

 

Agostini, François (éd.)               Chants corse, harmonisations de Jacques Tessarech et A. Lambroschini.

1933                                             Traductions françaises du Prof. A. Ambrosi

                                              Paris/Bruxelles : Henri Lemoine

              Ce recueil comporte dix chants simples harmonisés par J. Tessarech, mis en musique, pour voix et piano, par A. Lambroschini. Agostini a été directeur d’opéra à

 

 

Paris et directeur de « l’Anthologie sonore ». Il a également publié des adaptations dit « folkloriques » de textes du poète Carulu Giovoni sous le titre Canti di a Macchia (1933).

 

Canteloube, Joseph :                   Anthologie des chants populaires française.  La Corse, Paris : Durand.

1951

              Ce livret est un tirage partiel du premier de quatre volumes documentant la chanson populaire française par région. Les morceaux ont été tirés de sources existantes. Les mélodies sont notées sans accompagnement, les textes sont pour la plupart raccourcis et pourvus d’une traduction française. Au total, 29 chansons folkloriques traditionnelles sont répertoriées.

              Joseph Canteloube (né en Auvergne en 1879, mort en 1955) était un compositeur et éditeur de la vaste anthologie mentionnée ci-dessus.

 

Quilici, Félix :                              Chants populaires corses. Paris/Bruxelles : Henri Lemoine.

1953

              Il comprend neuf chants populaires corses mises en musique pour deux à quatre voix. Ces morceaux ont été publiées sur les disques Pathé P. G. 401 et 402, interprétées par l’ensemble corse parisien « A Cirnea »  sous la direction de Quilici. On retrouve certaines d’entre elles sur le disque de 33 tours, Chant du Monde LD-S 4219, Jour d’été en Corse, qui a été publié par Chant du Monde 74388-D, sous le nom Chants et danses de Corse, disponible en tant que nouveau pressage.

              Avec Félix Quilici, il a été procédé, pour la première fois, à une vaste documentation sonore du chant traditionnel corse, dont il sera question plus loin.

 

Tomasi, Henri :                            Six mélodies populaires corses. Paris/Bruxelles : Henri Lemoine.

1962                                              Trois chants populaires corses, harmonisés à quatre voix mixtes.                                                        Paris/Bruxelles : Henri Lemoine.                                                     

              Il s’agit de deux petites séries de feuilles individuelles de chant : dans le premier cas pour voix et piano, dans le second pour groupe vocal à quatre voix. Sous le titre Cantu di Cirnu, Henri Tomasi a également mis en musique quatre textes du poète Santu Casanova pour voix et piano.

              Henri Tomasi, fils de Xavier Tomasi, est un compositeur français bien connu (voir répertoire biographique des auteurs de chansons et des musiciens).

 

Sebastiani Piazzoli, Marie :         Mélodies en dialecte corse et en français (publication personnelle)

1965

              Cette petite œuvre d’amateur a été créée à la demande d’amis de l’auteur, à qui elle chantait occasionnellement les douze chansons qu’elle contient. Les mélodies et les paroles sont notées et les traductions françaises sont ajoutées. Les pièces ne sont pas toutes des chants traditionnels corses : parmi elles se trouvent également plusieurs chansons en français, dont certaines sont des créations de l’auteur elle-même. Les illustrations sont dessinées dans un style enfantin.

              La première documentation complète et systématique sur bandes magnétiques de chants traditionnels corses a été entreprise par Félix Quilici, né à Bastia en 1909. Il a été altiste de l’Orchestre national de Radio France à compter de 1934. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est resté en Corse en tant que militaire. C’est à cette époque qu’il commence à s’intéresser au chant traditionnel corse. Après son retour à Paris et la reprise de son travail à l’orchestre de Radio France, il a fondé le groupe folklorique A Cirnea avec des Corses parisiens (voir le chap. IV, « Musique populaire organisée », de cet ouvrage). Il a également écrit les arrangements pour cette formation dont les disques ont été publiés.

              Pour Quilici, la documentation du chant traditionnel corse est devenue un second métier. En 1948, le musée national des Art et Traditions populaires (Paris) entreprend une documentation ethnographique en Corse et confie à Félix Quilici la partie musicale de la tâche. Paul Arrighi, professeur à la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence, a écrit sur cette entreprise (dans Guelfi/Villat/Ambrosi/Arrighi 1967 : 158) :

« ...Une nouvelle méthode de prospection fut appliquée pour la première fois au cours de la mission  d'ethnographie corse dont le Musée des Arts et Traditions Populaires me confia la direction, en 1948, et dont M. Félix Quilici assura la partie musicale. Cette mission rapporta près de200 enregistrements de pièces choisis pour leur authenticité et pour la qualité des exécutants, es professionnels étant écartés. Cette phrase nous permet de constater que la veine traditionnelle - n'est pas tarie, puisque nous avons pu fixer des chants amébées qui rappellent les ‘Bucoliques’ ; puisque parmi nos ‘ informateurs’  nous avons eu, côte à côte, une vocératrice nonagénaire et un jeune berger illettré, poète de quinze ans ... ».

              Dans une lettre, Quilici parle de ce travail et du suivant :

« ...Pour la première fois, des chanteurs et poètes populaires enregistrent, sur place, dans leurs pays, les productions traditionnelles qu'ils ont apprises de leurs ancêtres. C'est le début d'une  documentation sonore qui va aller en s'enrichissant. . . . En 1949 en effet, la Radio Diffusion Française charge Félix Quilici d'une enquête similaire qu'il accomplira avec des moyens techniques perfectionnés. II en ramènera sensiblement le même nombre de documents sonores ...».

Et à nouveau 200 enregistrements ont été effectués :

«... Désormais, durant ses vacances en Corse, F. Quilici l'augmentera chaque année par des enregistrements personnels. En 1961, le Centre National de la Recherche Scientifique a nommé. Félix Quilici Attaché de Recherches pour une mission beaucoup plus importante que les deux premières.

 

 

 

 

 

 

Abandonnant pour un an et demi ses occupations professionnelles à l’Orchestre national, F. Quilici part pour la Corse. À cette occasion, les enregistrements seront faits non plus sur disques, mais sur bandes magnétiques. La documentation, cette fois, est considérable ...».

              En plus de son travail de musicien et de ses nombreux voyages avec l’orchestre, Quilici a écrit plusieurs articles, réalisé maintes émissions de radio avec ses enregistrements corses et travaillé avec son ensemble corse A Cirnea. Et année après année, il a documenté, pendant ses vacances sur l’île, le patrimoine des chants traditionnels.

              Il a rendu compte de ses premières entreprises dans une série d’articles :

Quilici,  Félix :           Le chant corse ne doit pas mourir. Dans la revue  Notre Village Corse, (Bastia),                                     n° 2-7.1955-57       

              Quilici commence par expliquer la nécessité de maintenir et documenter les chants traditionnels corses, rappelant à ses compatriotes leur valeur et leur importance. L’article d’introduction a fait, par la suite, l’objet de toutes sortes de critique, commentaires et questions. Dans le deuxième article, qui contient ses réponses, Quilici appelle à la collaboration : il demande de l’aide pour la documentation et présente un questionnaire qui devrait fournir des informations sur les conditions locales et sur la connaissance éventuelle de chants inconnus et inédits. Tout cela est directement lié à la documentation que Quilici a produite à grande échelle pour les émissions radiophoniques françaises et le musée des Arts et Traditions populaires. Un compte rendu de cette activité figure dans le deuxième article. Le projet de 1948 dirigé par Arrighi couvrait principalement les provinces de Castagniccia et de Niolo.

              Depuis lors, Quilici a poursuivi ses efforts presque chaque année. Les bandes sonores sont en partie déposées à la station de radio, en partie au musée susmentionné et en partie dans les archives privées de Quilici. Au moment de la rédaction (1958/59), il n’était pas possible d’avoir accès à ce matériel et tel semble encore le cas, puisqu’il n’a toujours pas été traité.

              Les autres articles de la série de Quilici sont consacrés à des genres musicaux traditionnels particuliers, à savoir l’improvisation poétique chantée et – en trois parties – le chant sacré. Il y a quelques années, Quilici a également pris position au sujet de l’état de la recherche sur le chant traditionnel corse :

 

Quilici, Félix :            « La recherche et l’étude scientifique de la musique corse traditionnelle » dans  

1971                           Mélanges d’Études Corses offerts à Paul Arrighi. Centre d’études corses d’Aix,                                     tome II : 201-10.              

              Entre-temps, cependant, d’autres études analytiques sur des parties du chant corse sont apparues :         

              Il s’agit d’une analyse musicale des paghjelle avec cinq exemples musicaux.

Quilici, Félix :            «  Polyphonies vocales traditionnelles en Corse », Revue de Musicologie 57, n° 1 : 1971                            3 ff.

Quilici, Félix :            « Chants sacrés traditionnels en Corse », dans Jacques Porte (éd.) : Encyclopédie
1971                            des musiques sacrées. Tome III : 584 ff. Paris : Labergerie.

              Cette étude musicale des chants sacrés monophoniques et polyphoniques comprend cinq exemples musicaux.

              Jusqu’à présent, Quilici n’a pas eu le temps de procéder à un traitement détaillé de ses documents sonores, mais il espère pouvoir l’entreprendre à l’occasion. Il ne fait aucun doute que ses nombreuses années de familiarités aisées, non seulement avec le patrimoine des chants, mais aussi avec les conditions de vie sur l’île et les chanteurs, chanteuses, poètes et musiciens, offrent des conditions idéales pour cela.

             

              En 1955, j’ai commencé ma propre documentation sur le chant corse, dont les détails sont décrits ailleurs. Les premiers résultats ont été publiés à cette époque :

Laade, Wolfgang :      « La structure du Lamento mélodique corse » dans  Sammlung

1962                            musikwissenschaftlicher Abhandlungen Vol. 43, Baden/Baden/Strasbourg :                                       Librairie Heitz.

              Il s’agit d’une analyse détaillée des formes mélodiques du lamento, basée sur 101 exemples musicaux.

Laade, Wolfgang :      « The Corsican Tribbiera, a Type of Work Song ». Ethnomusicology 6, n° 3 :

1962                            181-   5.     

              L’auteur y présente également une analyse musicale.

             

Sur ma suggestion, Markus Römer a commencé sa documentation du chant sacré corse au printemps 1972. Un autre court séjour a suivi en 1973. Le travail principal a finalement été réalisé lors d’un voyage d’un an sur l’île en 1974-1975. Lors d’une courte visite en 1979, d’autres enregistrements musicaux y ont été réalisés. Bien que l’attention de Römer se soit principalement portée sur les chants sacrés, sa collection de plus de 800 enregistrements sonores contient également une telle quantité de matériel musical profane qu’elle doit être mentionnée ici. Un rapport initial détaillé sur la recherche est toujours en attente de publication :

Römer, Markus :        « Quelques aperçus sur la musique Corse ». Devrait être publié dans l’ouvrage                                     Études Corses (Aix-en-Provence).

 

Cette vue d’ensemble peut donc se résumer ainsi :

              Dans un premier temps, à partir de 1825, des textes individuels de chants traditionnels corses apparaissent dans des écrits des Grands Voyageurs (Benson, Robiquet, Valery, Pastoret, Mérimée). Les plus grandes collections de textes de chants corses ont été constituées dans les années 1840 avec Tommaséo et Viale, et les éditeurs

suivants (Fée, Ortoli, Marcaggi) ont eu largement recours aux travaux de ces deux musicologues. Depuis Fée (1850), ces collections sont illustrées par des exemples musicaux épars. La première collection des formes mélodiques de chants (y compris des compositions propres) est due aux deux musiciens corses Clementi et Graziani (1890).

Elle conduit, à travers l’œuvre d’Austin de Croze (1911), à la vaste collection de Xavier Tomasi (1932). Tous les enregistrements de formes mélodiques n’ont pas été réalisés selon des principes scientifiques, mais avant tout pour un usage pratique. Tomasi est le seul qui s’efforce à prendre occasionnellement en considération les caractéristiques d’interprétation typiquement corses. En même temps (depuis X. Tomasi, 1913), des séries de partitions de chants corses, pour la plupart pour voix et accompagnement au piano ou pour chœur polyphonique, ont été publiées par des éditeurs de musique pour un usage pratique. En 1923 et 1933, deux recueils de textes ont paru en Italie, basés sur des travaux in situ (Biscottini, Southwell-Colucci). Une première tentative dans ce sens (A. de Croze, 1911) a été suivie de deux autres études sur les formes mélodiques du chant traditionnel corse (Ambrosi 1934, Natali 1961), Ambrosi prend pour la première fois l’histoire du chant corse en considération. La documentation sonore ne débute à une échelle significative qu’avec les efforts de Félix Quilici (depuis 1948) et a été poursuivie par lui depuis lors. L’auteur du présent ouvrage a entrepris, quant à lui, sa propre documentation sonore en 1955-58 et à nouveau en 1973.Les collections des enregistrements sur bandes magnétiques ont constitué la base des premières études analytiques musicales réalisées par les collectionneurs eux-mêmes. Les aspects socioculturels du chant traditionnel corse ont été traités dans les chapitres d’introduction de Fée et Ortoli, et de façon plus détaillée par Austin de Croze, mais l’adhésion à certains clichés reste évidente dans tous les cas. Les plus riches informations de ce type ont été fournies par Marcaggi (1926).

 

 


                Nous suivons principalement les informations de Marcaggi 1926 : 9 cf. et Guelfi /Villa

                  /Ambrosi/Arrighi 1967 : 156 cf.

                Publié comme le premier almanach corse à Bastia en 1860.

                A propos de ce qui suit, il peut être intéressant de noter que les travaux sur la langue corse

                  n’ont également commencé qu’en 1863 avec l’étude encore très amateur de l’enseignant Louis                   Campana (Mémoire sur le dialecte corse) n’a commencé qu’en 1863. Les premiers almanachs

                  corses sont l’Astronomo (1855–72) et sa suite renommée, l’Artigiano de (1872–1926),                      Artigiano   (1872–1926), tous deux publiés à Bastia.

                Voir : Index biographique des auteurs-compositeurs et musiciens.

 

                Canino avait été tué quelques années auparavant.

                La jeune fille a été abattue par son séducteur, un jeune professeur, parce qu'elle ne voulait pas                   l’épouser

                L’ouvrage a fait l’objet d'une critique par Gaston Courtillier,  Un Strasbourgeois en Corse,                   Revue de la Corse 7 (28), Paris 1924 : 97-103.

 

8                 Il a été réédité en 1966 dans la publication d’une version malheureusement complètement                   mutilée par des coupures.

9                 Voir : Index biographique des auteurs-compositeurs et des musiciens.

               Les poètes ou les poèmes italiens les plus populaires de l'époque étaient, selon une enquête

                  d’Alexandre Arman (cité par Tommaséo) : Testi, Ariost, Tasso, les Straggi delli Innocenti  de                    Marini, Metastasio, Casa, Monte, Frederici, le Novelle Arabe de Soave.        

               Southwell-Colucci y fait référence comme le plus important traité sur les chants corses

         

               Sur un concert de chants corses mis en scène à Paris en 1896 avec sa participation                             (ou sous sa direction ?), voir de Croze pp. 167-8, note de bas de page. Nous y                                    reviendrons plus tard.

 

              Cet ouvrage rare se trouve dans les bibliothèques municipales d’Ajaccio et de Bastia.

               Enregistrer fidèlement les paghjelle tels qu’ils sont chantés n’est pas chose facile, et sans

                  enregistrement sonore existant, c’est tout à   fait impossible. Clementi et Graziani n’avaient

                  sans doute pas d’enregistrement sonore disponible, et leur exemple ne présente                   aucune correspondance aux pièces que j’ai enregistrées et transcrites.

               Xavier Tomasi (1876-1956) est originaire de Casinca, a étudié la musique à Marseille et est le                   père du célèbre compositeur Henri                Tomasi. Voir sur les deux : le répertoire                   biographique d’auteurs-compositeurs et de musiciens.

               A propos de J. Tessarech, voir le répertoire biographique des auteurs-compositeurs et                   musiciens.

             Les premiers enregistrements sonores de chants corses ont probablement été réalisés pendant                   la première guerre mondiale (1916-17) par le groupe de recherche linguistique de Wilhelm                   Doegen pour la phonothèque de Berlin. Dans les camps de prisonniers de       guerre sur                   disques (six morceaux). Voir : Wilhelm Doegen (éd) : Unter fremden Völkern, Berlin 1925 :                   346.

             J’ai demandé à Félix Quilici, avec qui j’avais correspondu depuis mes premiers séjours en                   Corse - avec de longues interruptions           de me renseigner plus précisément sur sa carrière                   et ses activités musicales. En juin 1975, il m’a écrit une courte version de son                   curriculum vitae, dont je reproduis ici et ailleurs les parties pertinentes.

             La collection contient environ 50 morceaux de musique profane.