ESTRU SPIRITOSU

Scontri di 17.02.2015

 

 

117 pages consacrées au texte corse par les auteures de l’anthologie Estru spiritosu, mais seulement 96 pour Humour et satire dans la poésie corse du XVIIIe au XXe siècle, traduction française de ces poèmes humoristiques et satiriques ! S’agit-il de discrimination linguistique ? À moins que la langue de Voltaire ne fasse par là une fois encore preuve d’une concision longtemps exhibée comme preuve de son universalité ! Mais efforçons nous de retrouver notre sérieux compromis par une lecture où jouent sur toute la gamme du rire les extraits de dix œuvres poétiques. Don Giuseppe Straforelli (1756-1838) Lisandru Petrignani (1758-1813), Ghjuvanvitu Grimaldi (1804-1863), Antonleunardu Massiani (1816-1888), Paulu Matteu della Foata (1817-1899), Petru Lucciana dit Vattelapesca (1832-1909), Schjappinu (1846), Santu Casanova (1850-1936), Petru Santu Ricci (1880-1954), Simonu Dary (1900-1978). Dix noms bien connus de la Corse et dont ces traductions pourront permettre une consultation plus large de la part des amateurs du rire et chercheurs en littérature.
L’ouvrage de 215 pages numérotées s’offre comme une publication précieuse tant par son contenu que par sa structure et son organisation.
Dans l’élaboration de ce travail, les auteures ont mis en oeuvre des qualités bien connues d’un public proche du milieu intellectuel et enseignant de Corse. Le classement des textes (chronologies, index alphabétique des poètes et des œuvres) les notices de présentation des auteurs et de leurs textes, l’apparat critique et les nombreuses notes éclairant le lecteur sur le contexte évoqué ou les écarts sémantiques nécessaires à la traduction, tout indique combien le travail au service de la connaissance du sourire et du rire corses a exigé de labeur et de sérieux .
L’Avant-propos de G.de Zerbi éclaire ce que les connotations insulaires des titres corse et français de l’ouvrage (Estru spiritosu/Humour et satire) peuvent avoir de généralité. Sont ainsi levés les contresens sur la prétendue propension des Corses au tragique et à la complaisance identitaire narcissique. Les influences culturelles et littéraires sont également mentionnées, de même que la valeur documentaire des scènes et portraits référant à la société insulaire, à ses types et à sa stratification. Le commentaire n’omet cependant pas de rappeler ce que l’univers littéraire doit à la verve comique, à la fantaisie et à l’imagination.
La sélection de fragments des dix poètes retenus favorise dans cette publication le soulignement raisonné et judicieux de quelques traits structurants de l’inspiration comique dans la poésie écrite.
La préface de M.Biancarelli attire opportunément l’attention sur quelques zones de l’estru spiritosu que cette anthologie de la poésie comique de facture classique ne pouvait aborder. Négligeant la distinction entre genres littéraires ici non pertinente, il signale comment cette inspiration se perpétue dans l’expression moderne en prose.
Le lecteur ajoutera d’autres pistes de réflexion à cette feuille de route déjà bien riche. Le répertoire des œuvres théâtrales tout d’abord, un ensemble enrichi sans discontinuer à travers les différentes époques et stimulé aujourd’hui par une belle vitalité. Mais surtout la poésie dite populaire, celle de la joute oratoire du chjama è rispondi, l’improvisation devant des publics qui, malgré les inévitables discours de la déploration, n’en finit pas de nourrir un estru spiritosu encore et toujours animé.