6-F.O.Renucci fait l’éloge de Mourre

Antoine-Félix Mourre, créateur des 34 écoles primaires associant enseignement mutuel et frères de la doctrine chrétienne était-il le « Ce sage organisateur des études »

Dont F.O.Renucci fait l’éloge ?

 

« Grâce à l'empressement du comte Sebastiani, le ministre choisit à cet effet l'Inspecteur Mourre qui connaissait déjà la situation de l'île relative à l'enseignement public. Ce digne fonctionnaire rejoignit son poste et s'employa infatigablement à améliorer la partie de l'administration que l'on avait confiée à ses soins.

          Il organisa des comités cantonaux pour l'établissement des écoles primaires. Il créa trente écoles selon la méthode lancastérienne dans les communes les plus importantes du département. Notre commune de Peru en obtint une. Il confirma pour le collège de Bastia le règlement fait en 1818 et recommanda de faire aller de pair l’italien et le français. Ce sage organisateur des études savait qu'une langue étrangère – puisque c'est ainsi que les Corses doivent considérer le français - ne peut devenir commune dans un pays sans le secours de la langue maternelle.

          En effet, comment un Italien, un Français pourront-ils apprendre facilement le grec et le latin si le professeur ne parle que grec et latin,  si la grammaire et le dictionnaire qu'on leur met entre les mains sont exclusivement grecs ou latins? J'ai examiné quelques-uns des jeunes garçons qui fréquentent les écoles chrétiennes ou des Ignorantins où l’on ne parle et n'apprend que le français par le français. Ces enfants ne comprenaient pourtant que la langue vernaculaire et dans leurs familles on ne parle qu'elle. J'ai examiné, dis-je, ces enfants et j'ai trouvé qu’ils savaient suffisamment lire le français et même l'écrire sous la dictée. Mais quand je leur ai demandé ce qu'ils avaient lu et écrit, ils m’ont répondu qu’ils n'en savaient rien. En général les enfants corses à qui on fait en Corse apprendre le français par le seul français font comme les dévôts des confréries qui le dimanche chantent à pleine voix l’office de La Bienheureuse Vierge Marie en latin. Si vous leur demandez ce qu’ils ont chanté ils vous répondent qu'ils l'ignorent et ils vous diront de surcroît: « Nous avons chanté les louanges du seigneur; les paroles n'étaient pas de l’italien ». Veut-on donc rendre aisée et commune la langue nationale en Corse ? Que l'on suive la méthode prescrite par Monsieur Mourre.

          Cet inspecteur, qui m'honorait de son amitié bienveillante, m’annonça que le gouvernement lui avait accordé un inspecteur-adjoint car il ne pouvait pas, étant donné son âge et l'état de sa santé, faire une fois par an le tour de toutes les communes d'un département si étendu. Il ajoutait que cet adjoint était Monsieur Cottard Magloire, professeur d’une classe inférieure de latin au collège royal de Marseille et qu’il deviendrait sûrement mon ami- celui-ci fut effectivement mon ami tant que son intérêt personnel le poussa à l'être. Mais n'anticipons pas sur l’avenir. Vous pourrez  bientôt voir combien il fut déloyal envers moi dans les derniers temps où je dirigeai le collège. »

 

Cf.Memorie, pages 315-317 et notes page 427-428.