UN PRUGETTU PURTUGHESE

Avec la venue de Rosa Alice Branco (Portugal) l’Association de Soutien du Centre Culturel Universitaire célèbre le « Printemps des Poètes » du 3 au 5 avril 2012.
Rosa Alice Branco dirige en ce moment une importante opération de traduction de quelques-uns des poètes corses contemporains, avec le soutien de la Direction Lingua Corsa de la CTC. Cette anthologie corse-portugais sera ensuite éditée et diffusée au Portugal.

 

Différentes animations sont prévues, des journées rythmées par l’échange autour des langages de la poésie mais aussi la lecture de poèmes et l’interprétation de poèmes chantés.

mardi 3 avril Siscu Casa Ramelli :

• 10h-12h : séminaire de traduction: poèmes de Patrizia GATTACECA
• 14h-15h30 : séminaire de traduction: poèmes de Lucia SANTUCCI
• 15h30-17h : lectures de poèmes et chants

mercredi 4 avril Corti Università Centre Culturel Universitaire :

• 09h30-11h30 : séminaire de traduction: poèmes de Alanu DI MEGLIO
• 14h-16h : séminaire de traduction: poèmes de Ghjacumu THIERS
• 16h-17h : lectures de poèmes et chants avec Tal NITZAN (Israël), Rosa Alice BRANCO (Portugal), Patrizia GATTACECA

jeudi 5 avril Bastia (Salvatore Viale, Sant’Anghjulu) :

• 10h-12h : séminaire de traduction: poèmes de Sonia MORETTI
• 14h-16h : séminaire de traduction: poèmes de Ghjacumu FUSINA

La traductrice, Rosa Alice BRANCO , Sécrétaire de direction du PEN club portugais
est poète, essayiste, philosophe, docteur en Perception Visuelle (thèse: « La Relation causale dans la Perception ») de l’Université de Porto (Portugal). Elle enseigne cette discipline à l’École Supérieure d’Arts et Design de cette ville. Elle est membre de l'European Academy of Design.Elle Dirige les «Rencontres de Talábriga» et le Festival Internacional de Poésie de Aveiro et co-dirige les Revues: Figuras (Poésie et Philosophie) et Limiar (Poésie).
A son actif de nombreuses publications.
Son œuvre, parue entre autres au Brésil, est traduite en français, espagnol, allemand et arabe. Elle est aussi publiée en langue corse : Cumpità u ghjornu, Albiana, coll. E cunchiglie, 2009. Voici son dernier poème inspiré par la Corse.

UMA ILHA À TONA DAS PALAVRAS (Corsica, 2011)

Da primeira vez encontrei um homem a coser a rede.
Saudou-me com palavras que eu conhecia,
mas eram tão estranhas ao peixe como àquele mar.
O homem trocava contigo umas quantas palavras
numa língua de verão
e eu sentia que cada coisa tinha encontrado abrigo,
que a alma dos sons se entrelaçava aos fios luzentes
da rede e o mar acolhia a espuma das ondas
com os olhos felizes de palavras.

Subimos à montanha, nesse dia. As cabras
estavam de regresso e o dono convidou-nos a entrar.
Tinha ao lume o café e a acompanhar as palavras
fazia gestos na língua dos peixes e das cabras.
Era só a essa língua dos gestos que elas regressavam
e a que davam leite sem serem ordenhadas.
Era uma língua fresca
como o café acabado de fazer. Esvoaçava
entre as chávenas fumegantes e as rugas do homem
dissipavam-se na alegria das palavras
em botão de flor e tão antigamente partilhadas.

Se o tempo se mede foram muitos anos.
Hoje saúdam-me e falam-se na língua que os veste
e lhes dá pão. As crianças aprendem a polir os gestos
das palavras como o mar vai rolando os seixos.
A língua é uma praia com areia fina
sempre regada pelo mar.
A rede está por coser e as cabras não dão todo o leite
que as espera. O homem da montanha e o do mar
têm a porta emperrada do frio e do ar salgado.
Riem menos do que podiam rir. Demasiados incêndios
e naufrágios. Mas arregaçam as mangas e atiram-se
ao trabalho: uma língua não é uma ilha naufragada
à mercê do continente que a atira à água.

UNE ILE DE MOTS
La première fois j’ai rencontré un homme qui remaillait son filet.
Il m’a accueilli avec des mots que je connaissais,
mais les poissons étaient aussi étranges que cette mer.
L’homme a échangé avec moi quelques mots
dans une langue de vérité
et j’ai senti que tout avait trouvé son refuge,
que l’âme des sons se tissait aux fils luisants
du filet et la mer accueillait l’écume des vagues
avec le regard heureux des mots.

Nous avons gravi la montagne ce jour-là.
C’était l’heure où les chèvres
Rentraient et l’homme nous invita à entrer.
Il avait la cafetière sur le feu et il accompagnait ses paroles
de gestes pris dans la langue des poissons et des chèvres.
Ce n’est qu’avec le langage des gestes que les bêtes revenaient
Et donnaient leur lait sans avoir été traites.
C’était une langue fraîche,
comme le café fraîchement passé. Il flottait
parmi les tasses fumantes et les rides de l’homme
se dissipaient dans la gaîté de ses paroles
en boutons de fleurs depuis si longtemps épanouies.
Bien des années sont aujourd’hui passées.
Aujourd’hui ils me saluent et me parlent
dans la langue qui leur donne le gîte et le couvert.
Les enfants apprennent à polir les gestes
des mots que la mer roule comme ses cailloux.
La langue est une plage de sable fin
toujours arrosée par la mer.
Le filet est à recoudre et les chèvres ne donnent pas tout le lait
que l’on attend d’elles.
L’homme de la montagne et celui de la mer ont bloqué la porte de l’air froid et salé.
Ils rient moins qu’ils ne pourraient rire.
Trop d’incendies et de naufrages.
Mais ils retroussent leurs manches et se mettent au travail:
une langue n’est pas une île engloutie
à la merci du continent qui aspire toute l’eau.