PATRIZIA A PASSAGERA


Du disque Passagera au recueil Paesi ossessiunali, il y a bien évidemment un premier lien créé par la proximité des titres, da u passu à u paese, de lieu où l’on va à celui où l’on est. Le mouvement entre les deux se repère non seulement dans l’intertextualité évidente qu’indique un même titre de chanson/poème présent dans les deux œuvres mais aussi dans une thématique de l’espace qui se construit au fil de la lecture et de l’écoute : celle d’un espace a priori épars et diffus mais finalement balisé. Si l’auteure du livre peut se sentir cernée par son horizon imaginaire voire assiégée comme l’évoque le titre, la musicienne, elle, voyage à proprement parler, elle est en transit. Mais les étapes de ce voyage, qu’il soit réel ou désiré, se manifestent aussi dans les quatre grandes divisions du recueil poétique : « Utopie », le non-lieu, « Altri lati », cette altérité qui construit l’identité, « Cerca », qui renvoie à la quête d’un idéal (poème quasi éponyme p. 49) et enfin « Andati esotichi », qui évoquent le paradigme du voyage, celui du dé-paysement.
Ce plan de route aurait-il besoin d’une carte ? C’est ce que semble montrer la cartographie probablement inconsciente qui se déploie au fil du recueil. Dans sa première partie, une série numérotée de poèmes « terrestres » font écho à une série toujours numérotée de poèmes « insulaires ». Dans la deuxième section, on retrouve jusqu'à la trace d’une carte céleste (« Muntagnera », p. 32). Dès lors quels repères sur cette carte? Tout simplement les quatre points cardinaux, que nous offrent les poèmes de la section « Andati esotichi » : le nord finlandais, l’est tibétain, le sud napolitain, l’ouest new-yorkais. Bien évidemment rien ne permet de déceler explicitement l’étape finale du parcours évoqué plus haut, si ce n’est le choix du poème placé en dernière position dans le recueil. Mais « Fascinu » propose peut-être un voyage qui n’est littéralement pas de ce monde. En se nommant lui-même comme charme, comme sortilège, le poème a en quelque sorte révélé sa nature et renoncé à son pouvoir caché ; tout a été transmis au lecteur et c'est maintenant à lui d'agir. Mais n'en demeure pas moins l’espoir (verbalisé par l’ultime formule de tout le recueil) d’un autre monde, un monde qui, après l'horizontalité de la carte, est fait de verticalité.

M.GRAZIANI