Versione :

Ducumentu
Mes grandes heures de l'Ora

Giurnale l'Ora

LES GRANDES HEURES DE L’ORA

Les souvenirs et les réflexions d’un des directeurs de l’Ora, journal engagé dans chaque lutte de l’anti-fascisme et de l’anti-mafia.

Bruno Carbone

J’arrivais à Palerme en 1964, ville dévastée, sous le regard de la gauche. Je devais lancer une revue culturelle pour faire le lien entre les intellectuels de gauche et mettre en place un projet de développement du Sud. Les intellectuels siciliens se méfiaient de tout et de tout le monde. On peut imaginer dès lors comment se déroulaient les comités de rédaction. L’entreprise prit fin très vite. Ça avait été un journal ouvert, toujours en avance. L’Ora était un vieux journal, né en 1900. Il était moderne et jeune. Le journal dénonçait surtout les liens entre la mafia et les politiciens. C’est pourquoi ils nous brûlaient nos locaux, nous faisaient sauter et même essayaient de nous tuer. Trois rédacteurs sont morts. Les violences ne nous ont jamais découragés, au contraire, elles nous rendaient plus forts.

Je me rappelle être arrivé par une torride journée de Sirocco et avoir de suite participé à un débat sur le développement manqué du Sud. Un des participants disait que le chemin à suivre était celui tracé par l’Ora, le journal était un mythe. Pas même l’église n’avait dénoncé les affaires de la mafia. Petit à petit elle commencera à le faire.

La ville était à cette époque un mélange de pauvreté et de richesse. Il y avait beaucoup de vols à Palerme. Au journal nous ne connaissions pas la Palerme noire. C’est alors que le directeur engagea comme journaliste un jeune proche de ces traditions populaires. Mon nouveau collègue m’aida beaucoup quand je décidai de m’installer dans le centre ville afin de faire la démonstration qu’on pouvait y vivre.

Les politiques étaient tués sans pitié et les mafieux aussi par les guerres des clans. Palerme était une « ville fleurie ».

La mafia était née avec le sous-développement. L’économie avait été anéantie en partie avec l’unité italienne.

Vers la fin des années quatre-vingts je devais quitter la Sicile. Après quelques années de télévision à Rome je retournai à Palerme pour la RAI. J’ai retrouvé une ville sans développement.

Tout de même les choses ont changé dans les années quatre-vingt-dix, Palerme est devenue un interlocuteur de la culture méditerranéenne et européenne. À Palerme les gens sont toujours pauvres mais ils ont une volonté nouvelle de vivre.